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dépêchés sous lui par Stairs après ce prince, et leur impudence après leur coup manqué. Ce Douglas étoit depuis tombé dans la dernière obscurité, par l’horreur de tous les honnêtes gens ; mais il étoit souffert à Paris sous la protection de Stairs, à qui le régent ne pouvoit rien refuser. Douglas, fort misérable, avoit fait des dettes de nature à pouvoir être arrêté chez lui. On le tenta, il se sauva par les derrières, et Stairs s’interposa en sa faveur. Mais le répit accordé fut court, et ne servit qu’à lui donner moyen de sortir de Paris et de se cacher ailleurs. On n’en a plus ouï parler depuis, quoiqu’il ait traîné encore du temps en France son infâme et obscure vie, qu’il auroit dû perdre entre quatre chevaux en revenant de Nonancourt. Il avoit épousé à Metz une demoiselle qui avoit du bien et qu’il a laissée veuve sans enfants il y a bien des années, et presque à la mendicité.

Mme la duchesse de Berry fit presque de suite deux traits qui furent très-contradictoires, et qui montrèrent également l’excès de son orgueil et de son peu de jugement. Entraînée par les roués de M. le duc d’Orléans, avec qui, toute fille de France qu’elle étoit, elle soupoit souvent, et dont plusieurs étoient pour se recrépir d’avec cette prétendue noblesse à qui tout étoit bon, [elle] se hasarda de parler chez elle, publiquement et fort mal à propos, au maréchal de Villars sur ses lettres aux colonels, dont cette prétendue noblesse s’avisoit de se plaindre. On fut surpris de la sagesse et de la modération du maréchal, qui n’étoit pas fait pour recevoir, non pas même du régent, une réprimande publique ; cette princesse, transportée d’orgueil, qui se croyoit droit de tout, et qui n’avoit pourtant pas celui de reprendre personne sur ce qui ne lui manquoit pas de respect, et si encore, avec la mesure convenable aux personnes, ne comprit pas qu’elle étoit en cela l’instrument et le jouet d’un ramas de gens de toutes les sortes, excités adroitement par M. et Mme du Maine et les plus dangereux