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le duc d’Orléans déclara aussitôt au duc du Maine et au maréchal de Villeroy qu’ils pouvoient lui choisir un successeur ; qu’il ne vouloit s’en mêler en aucune façon ; qu’il approuveroit leur choix quel qu’il fût ; qu’il donnoit seulement l’exclusion à deux hommes, à Chirac pour l’un, à Boudin pour l’autre, qui avoit été premier médecin de Monseigneur, puis de Mme la Dauphine, et duquel j’ai parlé ici quelquefois. J’avois fort exhorté M. le duc d’Orléans à toute cette conduite. Il étoit d’une part trop inutile à ses intérêts, de l’autre trop délicat pour lui de se mêler du choix d’un premier médecin dans la position où il étoit et à toutes les infamies qu’on avoit répandues contre lui à la mort de nos princes, et qu’on ne cessoit de renouveler de temps en temps. Cette même raison fut la cause des deux exclusions qu’il donna à Chirac, son médecin de confiance, qu’il avoit toujours gardé auprès de lui depuis qu’il l’avoit pris en Languedoc, allant commander l’armée d’Italie. À l’égard de Boudin, je fis souvenir M. le duc d’Orléans des propos énormes et sans mesure qu’il avoit eu l’audace de répandre partout, tête levée, lors des pertes dont la France ne se relèvera jamais, et qui lui tournèrent la tête pour son intérêt particulier, auquel il étoit sordidement attaché ; et qu’il étoit de tout temps, comme il l’étoit encore, vendu à tous ceux qui lui étoient le plus opposés, et en faisoit gloire, outre que c’étoit un grand intrigant, de beaucoup d’esprit, fort gâté et très audacieux. Ces exclusions firent tomber le choix sur Dodart, qui avoit été médecin des enfants de France, et qui avoit eu auparavant d’autres emplois de médecin à la cour.

C’étoit un fort honnête homme, de mœurs bonnes et douces, éloigné de manèges et d’intrigues, d’esprit et de capacité fort médiocre, et modeste. Il étoit fils d’un très savant et fort saint homme, qui avoit été médecin du prince et de la princesse de Conti-Martinozzi, et qui l’étoit demeuré jusqu’à sa mort de la princesse de Conti, fille du roi, qui