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dernière [en a profité]. Toutes les fois qu’on n’a pu empêcher le parlement de s’assembler sur des affaires où la cour vouloit s’intéresser en faveur de matières de Rome, de jésuites, de choses ayant trait à la constitution, et que les présidents à mortier voyoient qu’ils n’en seroient pas les maîtres, ils sortoient tous en même temps, ou pas un ne venoit à l’assemblée des chambres. Ils livroient ainsi la séance à la division et à la querelle pour la présidence, et la forçoient à se lever et s’en aller sans rien faire faute de présidence, que pas un des prétendants n’a jamais voulu céder.

Les maréchaux de France qui, par leur âge et leur union, s’étoient jusqu’à ce temps-ci assez bien soutenus, sentirent à leur tour l’humiliation du désordre dans lequel le régent se persuadoit trouver sa sûreté et sa grandeur. Les maréchaux de France qui n’étoient pas ducs s’étoient doucement unis avec ce qui avoit usurpé le nom collectif de la noblesse ; celle-ci pour protection et pour se parer du contraste, ceux-là pour tâcher d’en profiter. Mais cette noblesse, devenue fière de son ralliement et de la faiblesse que le régent lui avoit montrée, ne tarda pas à faire sentir aux maréchaux ses amis qu’elle ne vouloit rien au-dessus d’elle, tant qu’elle pourroit rapprocher le niveau. Le marquis de Beaufremont se chargea de le leur apprendre. Avec de l’esprit et de la valeur et un des premiers noms de Bourgogne, il seroit difficile d’être plus hardi, plus entreprenant, plus hasardeux, plus audacieux, plus fou, qu’il l’a été toute sa vie.

Le maréchal de Villars, comme chef du conseil de guerre, écrivoit aux colonels la plupart des lettres que sous le feu roi le secrétaire d’État de la guerre avoit accoutumé de leur écrire, et on a vu (t. XII, p. 401) sur quel énorme pied Louvois avoit su mettre à son avantage l’inégalité extrême du style qui a duré sans exception autant que la vie du feu roi. Personne jusqu’à ce temps-ci ne s’étoit avisé de se plaindre des lettres du maréchal de Villars. Cette noblesse