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Aldovrandi, croyant faire sa cour à Rome de procurer l’acceptation formelle de la constitution par les évêques d’Espagne, y avoit souverainement déplu. La folie de l’infaillibilité étoit souverainement blessée qu’on pût imaginer qu’elle eût besoin d’autre autorité que de la sienne, ni du concours de soumission explicite des évêques, pour donner toute la force nécessaire aux bulles dogmatiques. La seule pensée étoit un abus si terrible qu’il ne pouvoit être compensé par aucune utilité qu’Aldovrandi eût pu imaginer. Il eut donc ordre de détruire son propre ouvrage, et d’empêcher les évêques d’Espagne d’accepter ce qu’ils devoient adorer d’adoration de latrie, les yeux bandés et les oreilles bouchées, provoluti ad pedes, expression si chérie à Rome et si barbare dans l’Église. Ce pauvre nonce étoit depuis quelque temps si malmené de sa cour que le cardinal Paulucci, secrétaire d’État, en prit honte et pitié, le consoloit et lui en faisoit comme des excuses. Le manquement de parole d’Albéroni sur la flotte, celui de n’avoir pas présenté ce bref injurieux au roi d’Espagne, la complaisance d’avoir remis au premier ministre et au confesseur les brefs de révocation des indults, les soins du nonce d’excuser toujours Albéroni et les procédés de cette cour, étoient les griefs qui irritoient le pape, dans l’extrême dépit et l’embarras où le jetoit la hauteur sans mesure de l’empereur.

Ce monarque, qui sentoit ses forces en Italie, et qui connoissoit bien à qui il avoit affaire, écrivit moins une instruction d’un prince catholique à Gallas, son ambassadeur auprès du souverain pontife, qu’une déclaration de guerre et des lois d’un vainqueur sans ménagement pour le vaincu, et parfaitement impossibles. Il manda à Gallas qu’il vouloit bien croire que le pape n’avoit point de part à l’entreprise de l’Espagne contre lui ; mais qu’il ne suffisoit pas qu’il voulût bien avoir pour lui cette complaisance, que ses actions en devoient aussi persuader le monde ; que pour y réussir l’empereur demandoit ce que le pape prétendoit faire contre