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même que dans celui d’Espagne. Ces quatre conditions respectives furent accordées, et le pape confirma l’assurance qu’il avoit donnée pour Albéroni Acquaviva fit valoir en Espagne le service qu’il avoit rendu à Albéroni, et il avoit vendu cher ce qui dans le fond n’étoit rien, par ce qu’il sauroit des intentions du roi d’Espagne sur les franchises. Ce cardinal faisoit pour soi en même temps que pour le premier ministre. Les Espagnols qui étoient à Rome murmuroient de sa facilité pour plaire au papa, aux dépens des affaires du roi d’Espagne. Don Juan Diaz, agent d’Espagne à Rome, étoit celui qui en parloit le plus haut. Acquaviva saisit ce moment pour demander qu’il fût rappelé, et que la reine lui écrivît en approbation de sa conduite de manière qu’il pût montrer sa lettre au pape. Tout son objet, disoit-il, étoit de servir Albéroni auprès du pape, pour quoi il falloit que lui-même fût soutenu. Il disoit qu’Aldovrandi méritoit là-dessus toute la protection du roi et de la reine, et qu’étant dans la première estime et confiance du pape, il auroit seul son secret pour négocier sur les différends d’entre les deux cours, et il insistoit pour aplanir les difficultés qui retardoient son retour et l’exercice de sa nonciature en Espagne ; ainsi il le servoit dans cette cour de tout son pouvoir, comme il vantoit au pape l’empressement d’Albéroni à lui procurer à temps les secours maritimes qu’il désiroit avec impatience.

Si je m’arrête avec tant de détail à tous ces manèges et ces intrigues, c’est qu’ils me semblent curieux et instructifs par eux-mêmes. Ils montrent au naturel quel est un premier ministre tout-puissant, un roi qui s’en laisse enfermer et gouverner, ce que peut le but d’un chapeau, quelle est la confiance due à un confesseur jésuite, et la part que le prince doit laisser prendre à son épouse, surtout en secondes noces, en ses affaires. D’ailleurs les personnages de ce triumvirat ont fait tant de bruit dans le monde, et tant de personnages divers, que ce qui les regarde ne peut être indiffèrent