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avoient données à Henri IV dans ses années les plus florissantes, et après l’édit de Nantes, et les inquiétudes que lui avoit causées jusqu’à sa mort l’ingratitude et l’ambition du maréchal de Bouillon, depuis qu’il lui eut deux fois procuré Sedan, qui machina sans cesse contre lui et contre Louis XIII, et dont le but étoit de se faire le chef des huguenots de France sous la protection déclarée d’une puissance étrangère, à quoi, au moins pour le nom et le commandement militaire, le duc de Rohan parvint depuis. Je lui retraçai les travaux héroïques du roi son grand-père, qui abattit enfin cette hydre à force de courage, et qui a mis le feu roi en état de s’en délivrer tout à fait et pour jamais, sans autre combat que l’exécution tranquille de ses volontés, qui n’ont pu trouver la moindre résistance. Je priai le régent de réfléchir qu’il jouissoit maintenant du bénéfice d’un si grand repos domestique, que c’étoit à lui à le comparer avec tout ce que je venois de lui retracer ; que c’étoit de cette douce et paisible position qu’il falloit partir pour raisonner utilement sur une affaire, ou plutôt pour être convaincu qu’il n’étoit pas besoin d’en raisonner, ni de balancer s’il falloit faire ou non, dans un temps de paix où nulle puissance ne demandoit rien là-dessus, ce que le feu roi avoit eu le courage et la force de rejeter avec indignation, quoi qu’il en pût arriver, quand épuisé de blés, d’argent, de ressources et presque de troupes, ses frontières conquises et ouvertes, et à la veille des plus calamiteuses extrémités, ses nombreux ennemis voulurent exiger le retour des huguenots en France comme l’une des conditions sans laquelle ils ne vouloient point mettre de bornes à leurs conquêtes ni à leurs prétentions, pour finir une guerre que ce monarque n’avoit plus aucun moyen de soutenir.

Je fis après sentir au régent un autre danger de ce rappel. C’est qu’après la triste et cruelle expérience que les huguenots avoient faite de l’abattement de leur puissance par Louis XIII, de la révocation de l’édit de Nantes par le feu