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du parlement avec lui, et la mienne avec ce prince à l’égard du parlement. — Pension de six mille livres donnée à Maisons, et un régiment de dragons à Rion. — Pensions dites de Pontoise, dont une donnée au président Aligre.


Les huguenots, dont il étoit demeuré ou rentré beaucoup dans le royaume, la plupart sous de feintes abjurations, profitoient d’un temps qui se pouvoit appeler de liberté en comparaison de celui du feu roi. Ils s’assembloient clandestinement d’abord et en petit nombre ; ils prirent courage après sur le peu de cas qu’on on fit, et bientôt on eut des nouvelles d’assemblées considérables en Poitou, Saintonge, Guyenne et Languedoc. On marcha même à une fort nombreuse en Guyenne, où un prédicant faisoit en pleine campagne des exhortations fort vives. Ils n’étoient point armés et se dissipèrent d’abord ; mais on trouva tout près du lieu où ils s’étoient assemblés deux charrettes toutes chargées de fusils, de baïonnettes et de pistolets. Il y eut aussi de petites assemblées nocturnes vers les bouts du faubourg Saint-Antoine.

Le régent m’en parla, et à ce propos de toutes les contradictions et de toutes les difficultés dont les édits et déclarations du feu roi sur les huguenots étoient remplis, sur lesquels on ne pouvoit statuer par impossibilité de les concilier, et d’autre part de les exécuter à l’égard de leurs mariages, testaments, etc. J’étois souvent témoin de cette vérité au conseil de régence, tant par les procès qui y étoient évoqués, parce qu’il n’y avoit que le roi qui pût s’interpréter soi-même dans ces diverses contradictions, que par les consultations des divers tribunaux au chancelier sur ces matières, qu’il rapportoit au conseil de régence pour y statuer. De la plainte de ces embarras, le régent vint à celle de la cruauté avec laquelle le feu roi avoit traité les huguenots, à la faute même de la révocation de l’édit de Nantes, au préjudice immense que l’État en avoit souffert et en souffroit encore dans sa dépopulation, dans son commerce, dans la