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article. Certainement, Monseigneur, en voilà beaucoup pour s’en tirer avec adresse et bonheur.

C’est en traitant ce qui regarde le tiers état qu’il faut particulièrement réfléchir sur ce que j’ai pris la liberté de vous représenter à l’entrée de ce mémoire, de la différence d’avoir assemblé les états généraux en prenant les rênes du gouvernement, ou de le faire maintenant que tout est entamé sur la finance. Je n’ai garde d’en vouloir presser le raisonnement en faveur de l’avis persévérant dont j’ai été là-dessus. Mais il est impossible de ne pas effleurer l’un pour venir plus utilement à l’autre. Je prévoyois ce qui arriveroit, et qu’on ne pourroit se tirer d’une matière si épuisée par le dernier gouvernement que par des coups également douloureux au dedans et éclatants au dehors. J’appréhendois que, sans le mériter, Votre Altesse Royale n’en recueillit toute la haine ; et, tandis que vous étiez tout neuf encore, je voulois, par une exposition et une consultation toute sincère aux états généraux, leur faire frapper ces grands coups inévitables, dont la promptitude de votre confiance en eux n’eût reçu des applaudissements, sans avoir rien à craindre pour la suite des exécutions dont les résolutions ne seroient point émanées de vous, ni ensuite d’aucune gestion de votre part ; et si, par un triste événement, les remèdes proposés par les états, et fidèlement employés ensuite sans les outrepasser, avoient été insuffisants, rien à craindre d’une nouvelle convocation d’états généraux, qui n’eût été qu’une suite de votre première confiance, un gage réitéré de votre amour pour la nation, et une solide confirmation du lien entre vous et elle, pour prendre ensemble des moyens plus efficaces : grand et rare exemple pour toute l’Europe, qui eût fondé votre sûreté au dehors par le concert du dedans, et qui eût comblé votre gloire jusque par les malheurs du dernier gouvernement.

Mais présentement les choses n’en sont plus dans ces termes ; et, quoique les bons desseins, la droiture des intentions,