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troisième, appuyé de la longueur du dernier règne et de l’esprit qui y a continuellement dominé. Mais, indépendamment d’un souvenir si cher, il n’est point étranger à la matière présente, et ma déférence pour ce troisième ordre, puisqu’il en fait un des trois qui composent l’État, m’auroit fait supprimer ce que j’ai dit et ce que j’ai encore à dire là-dessus, sans la nécessité qui va en être développée.

Le troisième ordre ne paroît que sous le quatorzième règne de la race capétienne [1], et il n’existe solidement que depuis ; il est donc clair qu’il n’a eu aucune part à aucun des trois changements des trois maisons qui ont porté l’une après l’autre la couronne de France, encore moins au choix des rois qui s’est fait plus d’une fois dans les deux premières races, ni à la fixation des aînés sur le trône, en vigueur non contredite depuis le roi Robert, fils de Hugues Capet, en faveur de Henri Ier. La célèbre querelle pour la couronne, et sur la loi salique, entre Philippe de Valois et le roi d’Angleterre, Édouard III, lequel Philippe de Valois étoit le grand-père de Charles V, a donc été jugée avant que le troisième ordre eût pris naissance, et il ne s’est point depuis présenté de contestation sur la couronne où il ait eu part. Vous en avez maintenant deux idéales qui, s’il plaît à Dieu, ne se réaliseront jamais : l’une regarde Votre Altesse Royale ; l’autre MM. du Maine et de Toulouse et leur postérité. Cette dernière est portée en jugement, et les légitimés demandent les états généraux. Je n’entre point en raisonnement du droit. J’ignore ce que vous vous proposez sur cette grande affaire, mais elle sera jugée et restera indécise avant la tenue des états. Si vous les assemblez cette cause restant pendante, il

  1. Il est impossible de concilier cette assertion avec celle de la page précédente, où Saint-Simon déclare qu’il n’y eut que deux ordres jusqu’à la bataille de Poitiers, c’est-à-dire jusqu’au règne de Jean, en 1356. Ici au contraire, Saint-Simon place l’apparition du tiers état beaucoup plus tôt, puisque le quatorzième roi de la dynastie capétienne est Charles IV le Bel, ou même son frère Philippe V, si l’on compte Jean Ier, fils de Louis X qui ne vécut que quelques jours.