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vie pour soi et pour sa famille, et qui se va enterrer tout vivant. Je lui dis ce que je pus pour le remettre un peu ; je ne laissai pas de le promener assez sans faire semblant de rien, pour découvrir en quel état il étoit avec M. du Maine, et je trouvai qu’il n’y avoit rien du tout. Je lui dis que présentement je ne lui répondois de rien, parce que j’ignorois, comme il étoit vrai, jusqu’à quel point étoit pour lui l’éloignement de M. le duc d’Orléans ; que je lui demandois quinze jours pour me tourner, et voir à traiter ce qui le regardoit avec Son Altesse Royale ; que je lui promettois de faire tout de mon mieux pour le raccommoder, et pour le faire entrer au conseil de guerre, mais sous une condition, sans laquelle je ne pouvois me mêler de lui, qui étoit sa parole d’honneur de surseoir le marché de sa charge pendant ces quinze jours, et qu’après nous verrions, et qu’au cas qu’il entrât au conseil de guerre, il romproit le marché et ne s’en déferoit point. Il me le promit. Je le priai de ne se point donner la peine de revenir chez moi, ni de se donner aucun autre mouvement, et d’attendre pendant ces quinze jours qu’il eût de mes nouvelles. Je le renvoyai un peu calmé.

Je n’eus pas besoin de tant de temps. Je parlai au régent ; je le détrompai sur la liaison de M. du Maine ; je lui fis honte de grêler sur le persil, tandis qu’il combloit de faveurs tant de grands coupables à son égard, dont il ne faisoit que des ingrats, et de désespérer un ancien lieutenant général distingué dans son métier, estimé dans le monde, qu’il s’acquerroit sûrement en ne l’excluant pas d’un agrément où le portoit sa charge et l’exemple du comte d’Évreux tout récent. J’obtins donc tout ce que je m’étois proposé, dans les premiers huit jours des quinze que j’avois demandés. J’envoyai prier Coigny de passer chez moi. Il vint aussitôt : Je lui dis ce que j’avois fait ; que les préventions étoient tombées ; qu’il s’en apercevroit dans le courant ; que j’avois permission de lui dire que rentrée au conseil de guerre lui