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considérée, on ne peut la regarder que comme la pomme de discorde qui rendra la tenue des états généraux longue, difficile, infructueuse pour l’objet qu’on s’en propose, et périlleuse pour la division qui seule en résultera. En voilà suffisamment pour la première partie, quant aux finances. Voyons si on s’en peut raisonnablement promettre un meilleur succès par rapport à l’affaire des princes.

Avant de mettre une affaire sur le tapis, il faudroit être bien d’accord avec soi-même pour savoir précisément quelle issue on lui désire d’une manière définitive. Par tout ce qui s’est passé (car je n’en puis juger que par là, et Votre Altesse Royale me pardonnera bien si je le lui dis avec franchise), il me paroît que l’événement lui en importe peu, pourvu qu’il ne roule pas sur elle. Par politique vous voulez une balance ; par nature une indécision entre si proches, et c’est ce qui incruste cette balance à vos yeux ; par sentiment Mme la duchesse d’Orléans d’une part, de l’autre M. votre fils et sa postérité, vous tiennent en suspens ; d’où il résulte que de votre choix les choses en demeureroient où elles en sont, sans l’importunité d’une poursuite qui vous paroît ardente et qui se renouvelle trop souvent à votre gré. Je me garderai bien d’entrer dans aucun détail du fond de la question pendante, ni de la manière dont elle a été jusqu’à présent traitée par Votre Altesse Royale ni par les parties, moi-même j’en suis une, et c’est pour moi une surabondance de raisons pour m’en taire ; mais il s’agit de savoir ce que vous prétendez en renvoyant la cause aux états généraux, et si ce moyen est bon pour arriver à la fin que vous vous proposez.

Vous n’en pouvez avoir que deux : 1° d’éviter tout jugement, pour conserver cette balance entre les princes ; 2° de vous décharger de la haine de ce qui sera décidé. Mais si vous vous trompez dans l’une et dans l’autre de ces vues, certainement vous ne devez pas déférer cette affaire aux états généraux.