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ordre sera contraire aux rentes, avec ce feu françois qui est si utile à la guerre, mais qu’il n’est pas à propos d’allumer au milieu de la paix et de la régence.

Le troisième ordre sera d’un avis entièrement et tout aussi vivement différent, si la bonne manière de juger de ce que feront les hommes, et en choses de ce genre, se doit prendre par l’intérêt. Or l’intérêt de cet ordre est double à maintenir les rentes : premièrement elles font presque tout son bien, en total du plus grand nombre, en la plus grande partie de beaucoup, en quelque partie au moins de tous. D’ailleurs tout cet ordre est appliqué à des emplois, et tourné à un genre de vie qui ne lui permet guère de changer de goût et de méthode sur la nature de son bien. Ceux qui suivent l’administration de la justice et l’étude des lois n’ont pas le loisir de se détourner à la régie de leurs biens fonciers. La perception de leurs rentes ne les tire ni des tribunaux ni de leur cabinet. Le commerce des charges entre eux en puise toute sa facilité. L’augmentation de leur bien se fait de même d’une manière aisée, et la commodité de le partager dans leur famille s’y trouve toute pareille. Je ne parle point d’un petit nombre de cet ordre qui, portés aux armes par une élévation de courage, et soutenus de beaucoup d’application et de mérite, sont arrivés à faire honneur à la noblesse, et quelques-uns même à la commander avec réputation et gloire pour eux et pour l’État, ni d’un plus grand nombre de paresseux et libertins qui se sont comme fondus ou dans les troupes ou dans l’oisiveté. Les premiers, inscrits dans l’ordre de la noblesse par leur vertu, ne se sépareront point de l’intérêt de ceux dont ils tirent tout leur lustre, mais ce nombre est si petit qu’il n’est pas à compter ; beaucoup moins ces libertins, la plupart ignorés jusque dans leurs familles. Les négociants se trouvent par leur état aussi attachés aux rentes ; et pour ce qui est des bourgeois proprement dits, gens vivant de leur bien, presque tout est en rentes, et de ceux-là il n’y en a presque aucun qui [ne]