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seront pour la suppression ou le retranchement des rentes. Le second [ordre] se portera avec rapidité au même avis. C’est de tous les trois le plus opprimé, celui qui a le moins de ressources, le seul néanmoins qui existât dans les temps reculés, celui qui a été constamment la ressource de l’État, le salut de la patrie, la gloire des rois, qui a mis sur le trône la branche régnante, et dont le zèle, l’amour de la vertu, de la patrie, de ses légitimes souverains, n’a point cessé, depuis la fondation de la monarchie jusqu’à maintenant, d’être en exemple illustre à toutes les nations, et de soutenir la sienne par les flots de son sang.

J’avoue, monseigneur, que j’ai besoin de me faire violence pour me retenir sur la situation cruelle où le dernier gouvernement a réduit l’ordre duquel je tire mon être et mon honneur. Votre Altesse Royale a souvent été témoin de l’amour et du respect que je lui porte, et des élans qui m’ont trop souvent échappé aux traitements qui lui ont été faits. Réduit pour vivre à des alliances affligeantes, et à manger bientôt après pour s’avancer ce que ces alliances avoient produit, peu de cet ordre auront intérêt à soutenir les rentes ; beaucoup moins le voudront faire, liés par vertu à l’intérêt général ; moins encore l’oseront par rapport à tant d’autres qui, n’ayant point de cette sorte de bien, tomberoient rudement sur ce petit nombre. Les terres et l’épée, voilà tout le bien de la noblesse. Les rentes sont très opposées au bien foncier ; elles ne le sont pas moins à celui qui se peut acquérir par la récompense des armes. Plus le roi a de rentes à payer, moins il a de pensions et de grâces pécuniaires à répandre sur la noblesse qui sert, qui ruine ses terres en servant, et y contracte nécessairement des dettes qui transportent ses terres aux paisibles rentiers ; et ces rentiers, qui ne font aucune dépense de cour ni de guerre, profitent doublement du sang de la noblesse, et par la conservation de leur patrimoine, et par la ruine de ceux qui suivent les armes. On doit donc compter que tout notre