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mois sans vouloir voir personne, excepté ses plus familières et en très petit nombre, et encore sur la fin. M. du Maine avoit le don de ne montrer jamais que ce qui lui convenoit, et ses raisons pour en user en cette occasion. Il ne vint pourtant pas au premier conseil de régence, il fit dire qu’il étoit incommodé, mais il se trouva au second à son ordinaire. Le comte de Toulouse parut toujours le même, et ne s’absenta de rien. Excepté les enrôlés avec M. du Maine, le reste du monde fut étrangement mécontent, et les princes du sang encore davantage, d’une si démesurée mollesse, mais n’en pouvant plus tirer mieux, ils triomphèrent de ce qu’ils avoient obtenu.

Les six prisonniers, bien servis et bien avertis par d’Effiat, écrivirent au bout d’un mois à M. le duc de Chartres, qui envoya leur lettre à M. le duc d’Orléans par Cheverny, son gouverneur, de même nom que Clermont-Gallerande l’un d’eux. M. le duc d’Orléans fit espérer leur prochaine liberté. Le samedi 17 juillet, le premier écuyer alla par ordre du régent prendre les trois qui étoient à Vincennes, et Cheverny les trois qui étoient à la Bastille, et les amenèrent chez M. le duc de Chartres, qui alla les mener à M. le duc d’Orléans. Le régent leur dit qu’ils connoissoient assez qu’il ne faisoit du mal que lorsqu’il s’y croyoit fortement obligé. Pas un des six ne prit la peine de lui dire une seule parole, et se retirèrent aussitôt. Cette sortie de prison eut tout l’air d’un triomphe, et par le choix des conducteurs, et par la hauteur et le silence des prisonniers rendus libres. Il sembla qu’ils faisoient grâce au régent de lui épargner les reproches, et que ce prince avoit tâché de mériter cette modération de leur part par une si étonnante façon de les mettre en liberté. Il le sentit après coup, et se repentit de sa mollesse, comme il lui arrivoit souvent après des fautes dont après il ne se corrigeoit pas plus. Il éprouva bientôt après le fruit d’une si foible conduite, et l’effet qu’elle avoit fait sur tous ceux qui, avec dérision et mépris, en avoient