Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/251

Cette page n’a pas encore été corrigée

que les couronnes lui demanderoient pour le chapeau accordé à l’Espagne ; mais que le prétexte sûr de le tirer de cet embarras, seroit le service signalé rendu à l’Église par l’accommodement des différends des deux cours, et l’envoi de l’escadre contre les Turcs. C’est ainsi que Rome sait profiter de l’ambition des ministres, et les gagner par l’appât d’une dignité étrangère. Don Alexandre qui n’avoit pas abandonné l’espérance de sa mission en Espagne, n’épargna pas les protestations d’attachement pour Leurs Majestés Catholiques et de respect pour leur premier ministre. Il y avoit déjà quelque temps qu’il regardoit sa promotion comme sûre, qu’il en attendoit la nouvelle avec impatience, sans cesser de la faire presser par la reine, et d’en faire l’affaire particulière de cette princesse. Comme la difficulté principale étoit la défiance réciproque, que le pape vouloit être satisfoit avant la promotion, et qu’Albéroni, au contraire, vouloit que sa promotion précédât la satisfaction du pape : il représentoit de la part de la reine au duc de Parme, son principal agent dans cette affaire à Rome, deux raisons invincibles qui engageoient la reine à vouloir que sa promotion précédât la satisfaction du pape le point d’honneur étoit la première, l’autre étoit d’empêcher les Espagnols de dire que la promotion d’Albéroni seroit la condition secrète d’un accommodement préjudiciable au roi et au royaume d’Espagne. Il vouloit que sa promotion ne parût fondée que sur la reconnoissance de tout ce que la reine avoit fait en faveur du saint-siège, qu’il rappeloit en détail, ainsi que la montre du secours maritime qu’il étaloit aux yeux du pape, et qu’il promettoit d’envoyer d’abord après sa promotion, et la reine, de terminer en même temps les différends des deux cours, mais pas un clou sans sa promotion. C’étoit ses termes, mais toujours désintéressé et se couvrant du voile du caractère de la reine.

Comme il ne craignoit point d’être contredit en rien, et qu’il étoit maître de faire parler la reine comme il vouloit,