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dans les mers d’Italie, et facilement épouvanté par les Vénitiens, qui lui représentoient les Turcs prêts d’en envahir ce qu’ils voudroient, avoit trouvé son nonce trop lent en sa route, mais toutefois sans pouvoir se résoudre à la promotion d’Albéroni, sans être sûr de l’accommodement de ses différends avec l’Espagne, suivant le projet qu’il en avoit fait. Un des principaux moyens que ses amis avoient imaginé étoit de procurer à don Alexandre. Albani le voyage d’Espagne, pour y signer l’accommodement qu’Aldovrandi auroit dressé suivant les intentions du pape. Don Alexandre désiroit avec passion cet honneur depuis longtemps. La princesse des Ursins, et Albéroni après elle, s’y étoient toujours opposés ; enfin le dernier y avoit consenti, et permis à Acquaviva d’en parler au pape. Il le fit dans un temps où don Alexandre étoit à la campagne. À son retour le pape lui en dit un mot, et remit à une autre fois à lui en parler plus au long. Il parut que ces délais étoient un peu joués entre l’oncle et le neveu. Le pape s’étoit engagé à l’envoyer nonce extraordinaire à Vienne porter les langes bénits au prince dont l’impératrice accoucheroit. Mais ce prince étant mort avant que la fonction eût été exécutée, le cardinal Albani, dévoué à la maison d’Autriche, prétendit que le même engagement subsistoit, et soit que ce fût de concert ou de jalousie, le pape trouva des difficultés insurmontables au voyagé de don Alexandre à Madrid. Albéroni se vit ainsi privé des avantages de traiter et de terminer avec le neveu du pape les différends entre les deux cours. Il trouva encore d’autres traverses.

Le cardinal del Giudice, avant d’arriver à Rome, la remplissoit de ses plaintes contre Aldovrandi, et demandoit des réparations des discours qu’il avoit tenus contre son honneur. Il avertissoit le pape de ses fourberies et de celles d’Aubenton et d’Albéroni qu’il accabloit de railleries piquantes, et le représentoit comme ne pouvant maintenir longtemps sa faveur ; qui étoit le meilleur moyen de nuire