Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/211

Cette page n’a pas encore été corrigée

jetèrent les hauts cris, car Mortagne, qui étoit un très galant homme, et qui avoit servi avec distinction, s’appeloit Collin, et n’étoit rien du tout du pays de Liège, comme on l’a dit ici en son lieu. Mortagne ne s’en offensa point. Il leur fit dire que ce n’étoit que par compassion du misérable état de cette fille qui manquoit de tout, qui se désespéroit d’ennui et de misère, et qui avoit trente-cinq ans, qu’il la vouloit épouser ; qu’il leur donnoit un an pour la pourvoir ; mais que s’ils ne la marioient dans l’année, il l’épouseroit aussitôt après. Ils ne la marièrent point. Ils comptèrent empêcher que Mortagne l’épousât ; il se moqua d’eux. La fille fit des sommations respectueuses, et ils se marièrent publiquement dans toutes les règles. Ils ont très bien vécu ensemble, car il étoit fort honnête homme, et sa femme se crut en paradis. Il en vint une fille, que le fils aîné de Montboissier, capitaine des mousquetaires noirs après Canillac, son cousin, a épousée.

Le duc d’Olonne épousa aussi la fille unique de Vertilly, maréchal de camp, qui avoit été major de la gendarmerie, fort honnête homme et officier de distinction, frère cadet d’Harlus, qui avoit été deux campagnes de suite brigadier de la brigade où étoit mon régiment, desquels j’ai parlé dans les temps. Cette fille étoit riche. C’étoient de bons gentilshommes de Champagne.

Seignelay, troisième fils de M. de Seignelay, ministre et secrétaire d’État, mort dès 1690, quitta le petit collet et se maria à la fille de Walsassine, officier général de la maison d’Autriche dans les Pays-Bas. Il la perdit bientôt après n’en ayant qu’une fille, que Jonsac, fils aîné de celui dont on a vu le combat avec Villette, a épousée. Seignelay se remaria à une fille de Biron avant la fortune de ce dernier.

Tout s’aigrissoit de plus en plus entre les princes du sang et les bâtards. Les premiers vouloient un jugement, et en pressoient le régent tous les jours ; les bâtards ne cherchoient qu’à gagner du temps. Les pairs, tout déplorables