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que par Mme de Maintenon, obtint pour son fils, mauvais ivrogne, la survivance de sa charge de grand louvetier.

Enfin l’abbé de Maulevrier, dont j’ai quelquefois parlé, imagina une chose inouïe. On a vu qu’après avoir vieilli aumônier du feu roi, il avoit enfin été nommé à l’évêché d’Autun qu’il avoit refusé par son âge. Il étoit demeuré aumônier du roi. Il en demanda hardiment la survivance pour son neveu, et il l’eut aussitôt sans la plus petite difficulté.

Le premier président, qui vouloit jouer le grand seigneur par ses manières et par sa dépense, étoit un panier percé, toujours affamé. Encouragé par l’aventure de la survivance du grand fauconnier, tout valet à tout faire qu’il fût toute sa vie du duc du Maine, au su du public et en particulier de M. le duc d’Orléans eut l’effronterie de faire à ce prince la proposition que voici. Le feu roi lui avoit donné un brevet de retenue de cinq cent mille livres, et comme rien n’étoit cher de ce qui convenoit aux intérêts du duc du Maine, ce cher fils lui obtint peu après une pension de vingt-cinq mille livres. Ainsi le premier président, qui par son brevet de retenue avoit sa charge à lui pour le même prix qu’elle lui avoit coûté, en eut encore le revenu comme s’il ne l’avoit point payée. La facilité du régent et sa terreur du parlement firent imaginer au premier président de demander au régent de lui faire payer les cinq cent mille livres de son brevet de retenue, en conservant toutefois sa pension, et il l’obtint sur-le-champ. Ainsi il acheva d’avoir sa charge pour rien, et eut vingt-cinq mille livres de rente pour avoir la bonté de la faire. M. et Mme du Maine et lui en rirent bien ensemble. Le reste du monde s’indigna de l’avidité de l’un et de l’excès de la faiblesse de l’autre. Il n’y eut que les trois affranchis du parlement, Noailles, Canillac et d’Effiat, qui trouvèrent cette grâce fort bien placée. Il n’y eut pas jusqu’à Maillebois à qui M. le duc d’Orléans donna un brevet de quatre cent mille livres sur sa charge de maître de la garde-robe.