Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/194

Cette page n’a pas encore été corrigée

causer aucune inquiétude. Je fus suivi de plusieurs, de ceux surtout qui opinoient après moi, et il n’y avoit que le chancelier et les princes légitimés et légitimes ; mais plusieurs de ceux qui avoient opiné revinrent à mon avis.

Le régent, dont la parole étoit engagée là-dessus dès le premier traité par l’abbé Dubois, parla après nous, loua notre sentiment, regretta de ne pouvoir le suivre, laissa sentir un engagement pris, fit valoir la nécessité de ne pas chicaner sur ce qui ne regardoit que des particuliers, et sur le point de terminer heureusement une bonne affaire, de ne jeter pas inutilement des soupçons dans des esprits ombrageux si susceptibles d’en rendre. Chacun vit bien ce qui étoit ; on baissa la tête, et la proscription passa avec le reste, dont pour l’honneur de la couronne, et par mille considérations, j’eus grand mal au cœur. L’abbé Dubois ne tarda pas à revenir triomphant de ses succès, et à en venir presser les fruits personnels. Pour flatter le roi d’Angleterre et se faire un mérite essentiel auprès de lui et de Stanhope, il avoit usé, sur la proscription des jacobites, de la même adresse qui lui avoit si bien réussi à livrer son maître à l’Angleterre. Quelques jours après ce conseil, je ne pus m’empêcher de reprocher à ce prince cette proscription comme une inhumanité d’une part, et une bassesse de l’autre ; et à lui faire une triste comparaison de l’éclatante protection que le feu roi avoit donnée aux rois légitimes d’Angleterre jusqu’à la dernière extrémité de ses affaires, dans laquelle même ses ennemis n’avoient pas osé lui proposer la proscription à laquelle Son Altesse Royale s’engageoit dans un temps de paix et de tranquillité. À cela il me répondit qu’il y gagnoit autant et plus que le roi d’Angleterre, parce que la condition étant réciproque, il se mettoit par là en assurance que l’Angleterre ne fomenteroit point les cabales et les desseins qui se pouvoient former contre lui dans tous les temps ; qu’elle l’avertiroit au contraire de tout ce qu’elle en pourroit découvrir ; et qu’elle ne protégeroit ni