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avancé, prétendit s’être excusé de faire cet office, mais il y rendit compte de la proposition, l’accompagnant de toutes les raisons qui pouvoient engager le pape à la regarder comme avantageuse à la religion. Il continuoit, comme il avoit déjà fait sauvent, à représenter au pape la ligue de la France avec les protestants comme l’ouvrage des ministres jansénistes, dans la vue d’établir en France le jansénisme, dont l’unique remède étoit de leur apposer une ligue entre le pape et le premier prince de la chrétienté, de mettre un frein aux entreprises des ennemis de la religion, et de rendre le gouvernement de France plus traitable quand il verroit ce qu’il auroit à craindre. Ce furieux nonce, si digne du temps des Guise, tâcha, mais inutilement, de persuader à la reine douairière d’Angleterre de préférer pour son fils ces espérances frivoles à la promesse que faisoit le régent de lui continuer les mêmes pensions que le feu roi lui avoit toujours données, s’il consentoit volontairement à se retirer d’Avignon en Italie. La reine, sans s’expliquer, pria le nonce d’insinuer au pape d’écrire de sa main à l’empereur en faveur de son fils, et de donner là-dessus des ordres pressants à son nonce à Vienne.

Le pape, persuadé de la gloire qu’un accommodement avantageux de ses différends avec l’Espagne donneroit à son pontificat, n’étoit pas mains touché de l’utilité qu’il croyoit trouver dans sa bonne intelligence avec le toi d’Espagne, pour établir en France les maximes et l’autorité de la cour de Rome. Aubenton, fabricateur de la constitution Unigenitus, et son homme de toute confiance, ne cessoit de l’assurer du respect, de l’attachement, de la soumission pour lui et pour le saint-siège du roi d’Espagne, dont il gouvernoit la conscience, de son honneur pour les jansénistes, et de tout ce qu’il se passoit en France là-dessus. En même temps ce jésuite, lié avec Albéroni, qu’il savoit maître de le chasser et de le conserver dans sa place, représentoit continuellement au pape la nécessité d’élever promptement à la pourpre