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avoit fait passer au Havre, où apparemment les trois autres le devoient aller joindre ; et ces quatre vaisseaux devoient être commandés par un officier du roi de Suède que Goertz devoit envoyer à Paris. La lettre du duc d’Ormond vint à Spaar pour Goertz, dont le premier crut que l’autre se contenteroit, quoique les termes ne fussent si fort les mêmes que ceux qui avoient été demandés ; et en même temps les assurances que les soixante mille pièces de huit seroient dans la fin de décembre remises à Paris, à la Haye ou à Amsterdam.

Le mécontentement conçu par le czar de ses alliés, et l’abandon en conséquence de la descente au pays de Schonen, fut un autre fondement d’espérance pour Spaar. Le czar avoit auprès de lui un médecin écossois qui étoit en même temps son confident et son ministre. Il faut savoir que dans toute la Grande-Bretagne la profession de médecin n’est au-dessous de personne, et qu’elle est souvent exercée par des cadets des premières maisons. Celui-ci étoit cousin germain du comte de Marr, et comme lui portoit le nom d’Erskin. Il écrivit à son cousin, que le roi Jacques III venoit de faire duc, que le projet de Schonen échoué, et le czar, brouillé avec ses alliés, ne vouloit plus rien entreprendre contre le roi de Suède ; qu’il désiroit sincèrement faire la paix avec lui ; qu’il haïssait mortellement le roi Georges, avec qui il n’auroit jamais de liaison ; qu’il connoissoit la justice de la cause du roi Jacques ; qu’il s’estimeroit glorieux, après la paix faite avec le roi de Suède, de s’unir avec lui pour tirer de l’oppression et rétablir sur le trône de ses pères le légitime roi de la Grande-Bretagne ; qu’il étoit donc entièrement disposé à finir la guerre, et à prendre des mesures convenables à ses intérêts et à ceux de la Suède ; qu’il n’en devoit pas faire les premiers pas, puisqu’il avoit l’avantage de son côté, mais qu’il étoit facile de terminer cet accommodement par un ami commun et sincère, avant même que qui que ce soit eût loisir de le soupçonner ;