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Aubenton, qui voyoit sans cesse le roi d’Espagne en particulier, lequel souvent lui parloit d’affaires, s’avisa de lui montrer cette lettre de Paulucci sans en avoir fait part à Albéroni. Celui-ci ne fut pas longtemps à le savoir. Bien moins touché pour l’intérêt du roi d’Espagne de cette sauvage proposition, que piqué de ce qu’Aubenton avoit osé en parler au roi d’Espagne à son insu, il fit donner au confesseur une défense sévère et précise de se plus mêler d’aucune affaire de Rome, et fit savoir à Rome, par le duc de Parme, que la reine avoit été très piquée de voir que le pape se rétractoit sur plusieurs conditions concertées à Madrid avec Aldovrandi, et que, si les différends ne s’accommodoient promptement, le nonce ne seroit point reçu à la cour d’Espagne, laquelle n’enverroit au pape aucune sorte de secours contre les Turcs. Aubenton, sentant à qui il avoit affaire, enraya tout court. Il manda même à Rome que sans Albéroni il ne pouvoit rien, et que le moyen sûr de le perdre, et en même temps les affaires, étoit d’en tenter par lui sans le premier ministre. Aussi lui fut-ce une leçon, dont il sut profiter, pour ne hasarder plus de parler au roi de quoi que ce fût que de concert avec un premier ministre si jaloux et si maître. Tous deux avoient intérêt de protéger Aldovrandi à Rome pour profiter de son crédit. Ils le firent très fortement au nom du roi et de la reine par Acquaviva. Le pape lui réitéra sa promesse pour dès qu’il pourroit disposer de trois chapeaux.

Acquaviva savoit que l’un des trois étoit destiné à l’archevêque de Bourges, et que le pape l’en avoit fait assurer, qui ne le fut pourtant qu’en 1719, avec les couronnes, et un an après Albéroni. Avec ces bonnes nouvelles, Acquaviva exhortoit Albéroni à presser l’envoi du secours promis pour avancer son chapeau sitôt que les trois vacances le pourroient permettre. Ce ne fut pas l’avis d’Albéroni, piqué de la remise de sa promotion à l’attente de la vacance de trois chapeaux. L’escadre espagnole étoit à Messine, le pape demandoit