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du parlement de se voir si hautement et si subitement enlever une proie dont il comptoit faire un si grand usage ; il n’oublia donc rien pour émouvoir le public par ses plaintes et par ses cris contre un tel attentat à la justice. La chambre de justice députa au régent qui se moqua d’elle, en permettant gravement aux députés de faire reprendre leur prisonnier, mais sans leur dire un seul mot sur sa sortie de prison. Il étoit dans Paris en lieu où on ne craignoit personne. La chambre de justice sentit la dérision et cessa de travailler. Elle crut embarrasser le régent, mais c’eût été à leurs propres dépens. Cela ne dura qu’un jour au deux. Le duc de Noailles alla leur parler ; ils comprirent qu’il n’en seroit autre chose ; que s’ils s’opiniâtroient on se passeroit d’eux, et qu’on auroit d’autres moyens d’exécuter ce qu’on [avait] entrepris contre les gens d’affaires. Ils se remirent à travailler, et le parlement en fut pour sa levée de bouclier, et n’avoir montré que sa mauvaise volonté et en même temps son impuissance.

M. le duc d’Orléans nomma gouvernante de mesdemoiselles ses filles Mme de Cheverny dont le mari étoit déjà gouverneur de M. le duc de Chartres. Ils en étoient l’un et l’autre fort capables, et la naissance et les emplois précédents de Cheverny honorèrent fort ces places qu’ils voulurent bien accepter.

Livry, premier maître d’hôtel du roi, obtint pour son fils la survivance de sa charge, et de conserver un brevet de retenue de quatre cent cinquante mille livres qu’il avoit dessus.

Effiat, ravi d’abord d’être quelque chose, trouva enfin son mérite peu distingué par la vice-présidence du conseil des finances. Il n’y voulut plus demeurer, mais entrer dans celui de régence à la dernière place. M. le duc d’Orléans eut la pitoyable facilité de le lui accorder, à la grande satisfaction de ses bons amis le duc du Maine, le maréchal de Villeroy et le chancelier. Personne ne s’en douta que lorsque cela fut fait.