Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/54

Cette page n’a pas encore été corrigée

rarement chez elle ; M. le duc d’Orléans, ni aucun prince du sang, jamais que par audiences, et comme jamais ; mais Monseigneur, Mgrs ses fils, Monsieur et M. le duc de Chartres, toujours en partant pour l’armée, et le soir même qu’ils en arrivoient, ou, s’il étoit trop tard, de bonne heure le lendemain. Pour aucun autre fils de France, leurs épouses, ou les bâtards du roi, elle ne se levoit point, ni pour personne, sinon un peu pour les personnes ordinaires avec qui elle n’avoit point de familiarité, et qui en obtenoient des audiences ; car modeste et polie, elle l’a toujours affecté à ces égards-là.

Presque jamais elle n’appeloit Mme la Dauphine que mignonne, même en présence du roi et des dames familières et des dames du palais, et cela jusqu’à sa mort, et quand elle parloit d’elle ou de Mme la duchesse de Berry, et devant les mêmes, jamais elle ne disoit que la duchesse de Bourgogne et la duchesse de Berry, ou la Dauphine, très rarement Mme la Dauphine, et de même le duc de Bourgogne, le duc de Berry, le Dauphin, presque jamais M. le Dauphin ; on peut juger des autres.

On a vu comment elle mandoit les princesses, légitimes et bâtardes, comme elle leur lavoit la tête, les transes avec quoi elles venoient à ses ordres, les pleurs avec lesquels elles s’en retournoient, et leurs inquiétudes tant que la disgrâce duroit, et qu’il n’y avoit que Mme la duchesse de Bourgogne qui eût pris le dessus avec les grâces nonpareilles et ce soin attentif qu’on en a vu en parlant d’elle. Elle ne l’appeloit jamais que ma tante.

Ce qui étonnoit toujours, c’étoient les promenades qu’on vient de dire qu’elle faisoit avec le roi par excès de complaisance dans les jardins de Marly. Il auroit été cent fois plus librement avec la reine, et avec moins de galanterie. C’étoit un respect le plus marqué, quoique au milieu de la cour et en présence de tout ce qui s’y vouloit trouver des habitants de Marly. Le roi s’y croyoit en particulier, par ce