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à Utrecht étoit gendre du duc de Frias, connétable de Castille, de la maison de Velasco.

Le grand prieur, dont on a vu en son lieu le caractère et la conduite, étoit, comme on l’a vu aussi, revenu aussitôt après la mort du roi, considéré, même respecté de M. le duc d’Orléans, qui avoit toujours été le jaloux admirateur d’une si continuelle uniformité d’impiété, de débauches et d’effronterie, en faveur desquelles il lui passoit tout le reste. Le grand prieur lui imposoit au dernier point, quoique méprisé et abandonné de tout le monde, et réduit à souper tous les soirs avec des bandits sans état et sans nom. À l’abri du duc du Maine, il faisoit le prince du sang tant qu’il pouvoit, et cela ne lui étoit pas difficile, par le peu et l’espèce de gens qu’il voyoit. Il se hasarda, par le même appui, d’aller à l’adoration de la croix après les princes du sang, le vendredi saint, à l’office où le roi était. Le maréchal de Villeroy y fut surpris et s’en plaignit au régent, qui glissa. Encouragé par le succès de l’entreprise, il en tenta d’autres, tant qu’enfin les princes du sang d’une part, et les ducs de l’autre, s’en fâchèrent, et que M. le duc d’Orléans lui défendit d’en plus hasarder. Je pense qu’il s’en prit à moi, car un jour M. le duc d’Orléans me dit, avec assez d’embarras, que le grand prieur avoit remarqué que j’affectois de vouloir passer devant lui au Palais-Royal, qui étoit le seul lieu où je le rencontrois quelquefois, et qu’il s’en étoit plaint à lui. Je demandai au régent ce qu’il lui avoit répondu, et tout de suite j’ajoutai que je n’avois point de ces petitesses-là ; mais que, puisque le grand prieur croyoit voir ce qui n’étoit pas, et qu’il s’avisoit de le trouver mauvais et de s’en plaindre, je lui ferois dire vrai, et lui montrerois partout que je le précédois et le devois précéder ; et aussitôt après je changeai de discours.

En effet, quelques jours après je trouvai le grand prieur au Palais-Royal. Il me salua froidement ; car nous n’avions jamais eu aucun rapport ensemble ; moi plus sèchement et