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Stairs et Bentivoglio étoient deux têtes brûlées qui, pour leur fortune, n’avoient rien de sacré, et ne travailloient qu’à culbuter la France ; et si l’un des deux étoit plus corrompu, plus noir, plus scélérat que l’autre, c’étoit assurément Bentivoglio ; tous deux imposteurs publics assez pris sur le fait, assez connus, assez déshonorés jusque dans leurs propres cours, où ils avoit perdu croyance pour qu’elles ne puissent refuser leur rappel s’il étoit demandé avec quelque force. Mais si Stairs étoit à l’abri par ses trois protecteurs déclarés, Bentivoglio n’en avoit pas de moins bons : Effiat, sans croire en Dieu, lui étoit vendu, et il imposoit à son maître. La faiblesse de ce prince craignoit le maréchal de Villeroy et les cardinaux de Rohan et Bissy, ses ardents et très intéressés protecteurs. Je parle des cardinaux, car le maréchal, ce n’étoit que par sottise d’habitude du feu roi. Ainsi le régent, sous le nom et le caractère de nonce du pape et d’ambassadeur d’Angleterre, conserva près de lui les deux plus grands et plus dangereux boute-feu, et les deux plus grands ennemis que la France et sa personne pussent avoir. On en verra quelques traits de cet infâme nonce, qui n’étoit point honteux d’entretenir une fille de l’Opéra, dont il eut deux filles qui y entrèrent depuis, si publiquement connues pour telles, qu’on ne les nomma jamais que la Constitution et la Légende.

Si j’avois grossi ces Mémoires de ce qui s’est passé en détail sur la constitution pendant la régence et la nonciature de Bentivoglio, ce n’est point employer un terme trop fort que dire, et dans toute son étendue, que les cheveux se dresseroient dans la tête à la lecture de la conduite véritable et journalière de Bentivoglio. Il étoit encore soutenu par l’ancien évêque de Troyes, qui avoit pensé tout différemment autrefois, mais que son ami le maréchal de Villeroy, les Rohan et la cabale avoit su retourner, et qui s’en croyoit plus à la mode d’une part, plus compté de l’autre.

Ce parti, dès aussitôt après la mort du roi, avoit travaillé