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et par la satisfaction extrême qu’on en témoignoit à Londres, sembloit promettre la plus grande liaison entre les deux monarques. Monteléon, ambassadeur d’Espagne à Londres, comptoit d’en augmenter sa considération personnelle et sa fortune, et y fondoit de grandes espérances pour le service du roi d’Espagne, non seulement présentement, mais au cas qu’il arrivât en France des choses sur lesquelles Leurs Majestés Catholiques et leurs ministres, qui n’étoient pas Espagnols, tenoient toujours leurs yeux ouverts. C’étoit de quoi Stanhope l’entretenoit souvent pour engager l’Espagne à prendre avec l’Angleterre des engagements plus étroits, dans le mécontentement où Stairs entretenoit sa cour sur les secours et la protection qu’il mandoit que le régent accordoit au Prétendant, ignorant ou voulant bien ignorer que l’Espagne n’en faisoit pas moins là-dessus que la France ; ce qui étoit caché même à Monteléon par sa propre cour. Elle n’avoit point de vaisseaux en mer, ni de préparatifs pour en armer. La Hollande lui en avoit offert pour assurer le commerce des Indes, mais, contente de voir son offre acceptée, la république ne se pressoit pas, dans la vue d’obtenir à cette occasion quelques avantages pour son commerce. Dans cet intervalle, l’Angleterre offrit aussi des vaisseaux à Monteléon, comme par reconnoissance de la manière dont le dernier traité venoit d’être signé. Monteléon se prévalut de ces démonstrations d’amitié pour s’éclaircir sur les liaisons secrètes qui l’inquiétoient entre le roi d’Angleterre et l’empereur. Stanhope lui répondit, avec un air d’ouverture, que l’opposition qu’ils remarquoient de la France à leurs intérêts les avoit engagés pour faire des alliances, parce qu’ils n’avoient pas douté que l’Espagne ne suivit la France ; qu’il n’y avoit rien de conclu avec l’empereur au préjudice de l’Espagne ; et que, le traité de commerce venant d’être signé si à propos à Madrid avec l’Angleterre, elle n’écouleroit aucune proposition directe ni indirecte qui pût intéresser l’Espagne.