Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/375

Cette page n’a pas encore été corrigée

et le nôtre, et que nous n’en avions pas un moindre à n’avoir plus affaire à un roi d’Angleterre, s’il étoit possible, qui par ses États et ses intérêts en Allemagne étoit plus Allemand qu’Anglois, et toujours en crainte, en brassière, et tant qu’il pouvoit en union avec l’empereur. Peut-être lui était-il revenu que Stairs m’avoit tourné inutilement par M. de Lauzun, qui aimoit à voir les étrangers, et qui, malgré tout ce qu’il devoit, et tout ce qu’il étoit à la cour de Saint-Germain, aimoit tous les Anglois, voyoit fort Stairs, mangeoient l’un chez l’autre, et n’avoit pu me résoudre à répondre aux avances qu’il me faisoit pour Stairs, et à son empressement de nous joindre à dîner ensemble, que par de simples compliments, tels qu’ils ne se peuvent refuser.

Pensant comme je faisois sur l’Angleterre, je ne pouvois goûter une liaison avec son ambassadeur, dont l’audace et la conduite me repoussoient d’ailleurs, bien plus encore depuis l’affaire de Nonancourt. Noailles put donc comprendre qu’avec le secours de Canillac et les manèges de Dubois, il ne seroit pas difficile de tourner le régent vers le roi Georges, et qu’en venant à bout, il ne seroit pas difficile de me rendre suspect à cet égard, et d’entamer la confiance générale dont Son Altesse Royale m’honoroit, en lui persuadant de me faire un mystère de son union avec l’Angleterre. Quoi qu’il en soit de ces raisons, Noailles s’embarqua avec Stairs, tout aussi avant que ses deux amis Canillac et Dubois, et ils persuadèrent M. le duc d’Orléans de se conduire à cet égard par une maxime purement personnelle, conséquemment détestable ; Cette maxime étoit que le roi Georges étoit un usurpateur de la couronne de la Grande-Bretagne, et, si malheur arrivoit au roi, M. le duc d’Orléans seroit aussi usurpateur de la couronne de France ; conséquemment même intérêt en tous les deux, et raison de se cultiver l’un l’autre, de se conduire au point de se garantir ces deux couronnes mutuellement, et de ne jamais faire