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liaisons avec Stanhope. Il vouloit pour cela même tourner M. le duc d’Orléans vers le roi Georges ; il n’étoit pas alors en situation auprès de lui d’y réussir ; il désiroit d’apprivoiser Stairs pour se procurer des occasions de parler d’affaires au régent, et de lui faire valoir leur ancienne connoissance avec Stanhope, et Stairs souhaitoit pour le moins autant que Dubois de se familiariser avec lui pour se procurer accès personnel auprès de M. le duc d’Orléans, et lui faire passer par l’abbé Dubois, qu’il s’imaginoit en être à portée, quoiqu’il n’y fût point du tout encore, des choses qui feroient plus d’impression d’une autre bouche que de la sienne. Rien n’alloit mieux à leurs vues communes, mais réciproquement ignorées, que l’union que Rémond avoit procurée, de concert avec Dubois, de Stairs et de Canillac, et de celle que celui-ci avoit faite du ministre anglois avec Noailles.

Le triumvirat étoit déjà formé entre Noailles, Canillac et Dubois, comme je l’ai expliqué sur la fin du règne du feu roi. Dubois, pour ses vues cachées, n’oublia rien pour confirmer Canillac dans son infatuation pour Stairs, et pour y jeter le duc de Noailles. Celui-ci, toujours pris par les nouveautés, et qui étoit homogène à M. le duc d’Orléans par l’enchantement des voies détournées, eut une forte raison, et peut-être deux, pour se livrer à cette complaisance. Il sentoit la sécheresse des finances, et tous les embarras de joindre les deux bouts, et il voyoit une grande épargne à refuser tout secours au Prétendant, et à faire échouer une entreprise qu’il auroit fallu soutenir devenant heureuse, et peut-être soudoyer longtemps, et fortement. L’autre raison, que j’imagine peut-être, me regardoit. Nous avions vécu trop longtemps confidemment ensemble pour qu’il pût ignorer que j’étois parfaitement jacobite, et très persuadé de l’intérêt de la France à donner à l’Angleterre une longue occupation domestique, qui la mit hors d’état de songer au dehors, et d’empiéter encore le commerce d’Espagne