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sous le spécieux prétexte de religion, dont les rois ont été souvent les victimes, et qui le seroient encore si on les laissoit faire, quoique ces maîtres en Israël trouvent bien écrit dans l’Évangile que la domination leur est très précisément défendue par Jésus-Christ, et qu’il leur dise que son royaume n’est pas de ce monde.

Ces Roger, Normands qui conquirent la Sicile et une partie du royaume de Naples sur les Sarrasins, y régnèrent quelque temps sous le nom de ducs. Leur piété donna la troisième partie des revenus de la Sicile en fondations d’évêchés, d’hôpitaux, de monastères, et ils voulurent bien, par dévotion de ce temps-là, faire relever leur conquête du saint-siège. Mais en princes avisés, ils y mirent des conditions que les papes se trouvèrent heureux d’accepter et de confirmer de la manière la plus solide : la première, qu’il fut consenti de part et d’autre que le pape l’érigeroit en royaume, et les en reconnoîtroit rois héréditaires pour leur postérité ; l’autre fut pour parer à ce que ces princes voyoient pratiquer partout où les papes et les ecclésiastiques le pouvoient, qui dans ces temps d’ignorance usurpoient tout par la terreur de l’excommunication. Ces princes, qui ne songèrent qu’au solide et à demeurer vraiment maîtres chez eux, passèrent l’honneur au pape, moyennant quoi il fut convenu qu’il y auroit en Sicile un tribunal perpétuellement subsistant, dont les membres, tous laïques, seroient toujours à la nomination, disposition et en la main des rois de Sicile, uniquement, sans autre attache ni dépendance, lequel, en vertu du privilège bien nettement expliqué qu’il recevroit du pape une fois pour toutes, et irrévocablement en toutes ses parties, et sans jamais être sujet en aucun cas possible à renouvellement ni à confirmation, jugeroit en dernier ressort souverainement et sans appel de toutes les causes ecclésiastiques quelles qu’elles pussent être, soit entre laïques e ecclésiastiques, soit entre ecclésiastiques en tous cas civils et criminels, excommunications