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semaine de la Passion. Nous en reparlâmes encore une fois ou deux, et il étoit véritablement persuadé que ce voyage étoit sage, et qu’il devoit le faire. Le malheur étoit que ce qu’il avoit résolu de bon s’exécutoit rarement, par le nombre de fripons dont il étoit environné, et dont c’étoit rarement l’intérêt ou pour lui plaire, ou pour le tenir de près, ou par des raisons encore plus perverses. C’est ce qui arriva de ce voyage.

Quand je lui en parlai à un jour ou deux du dimanche de la Passion, je trouvai un homme embarrassé, contraint, qui ne savoit que me répondre. Je sentis aisément ce qui en étoit, je redoublai mes efforts, je le pris par l’approbation qu’il y avoit donnée ; je le défiai de me montrer le plus léger inconvénient de ce voyage ; je frappai fortement sur les discours qu’il feroit tenir par l’audace de sauter par-dessus les Pâques, au milieu de Paris ; sur l’ennui dans lequel il ne pouvoit éviter de tomber pendant les jours saints, s’il y vouloit garder quelque mesure, et tout ce qu’il feroit dire contre lui, s’il les passoit, comme il faisoit les autres jours ; enfin je ramassai toutes mes forces pour lui représenter l’exécration d’un sacrilège, toute l’horreur que le monde auroit de lui, tout ce qu’il le mettroit en droit de dire, et la licence avec laquelle toutes les bouches s’en expliqueroient, même les plus libertines, et jusqu’à quel point cette horrible action éloigneroit de lui tous les gens de bien, ceux qui se piquoient ou qui sont d’état à l’être, enfin tous les honnêtes gens. J’eus beau dire ; je ne trouvai que du silence, du triste, du morne, de misérables raisons que je détruisis toutes, et de la ténuité desquelles je ne remplirai pas ce papier ; en un mot, un parti pris au premier mot qu’il s’en étoit laissé entendre qui avoit donné l’alarme aux maîtresses et aux roués. Qu’on ne soit pas surpris si ce mot m’échappe souvent. M. le duc d’Orléans ne leur donnoit point d’autre nom, ni lui, ni Mme la duchesse de Berry ; Mme la duchesse d’Orléans même en parlant à lui, et tous