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ceux de Mme la duchesse de Berry, qui ne contraignoit point ses manières soumises et passionnées pour lui devant les compagnies. Le rare est que, parmi cette vie, elle prit un appartement aux Carmélites du faubourg Saint-Germain, où elle alloit quelquefois les après-dînées, et toujours coucher aux bonnes fêtes, et souvent y demeurer plusieurs jours de suite. Elle n’y menoit que deux dames, rarement trois, presque point de domestiques ; elle mangeoit avec ses dames de ce que le couvent lui apprêtoit, alloit au chœur ou dans une tribune à tous les offices du jour, et fort souvent de la nuit ; et outre les offices, elle y demeuroit quelquefois longtemps en prières, et y jeûnoit très exactement les jours d’obligation.

Deux carmélites de beaucoup d’esprit, et qui connoissoient le monde, étoient chargées de la recevoir et d’être souvent auprès d’elle. Il y en avoit une fort belle ; l’autre l’avoit été aussi. Elles étoient assez jeunes, surtout la plus belle, mais d’excellentes religieuses, et des saintes, qui faisoient cette fonction fort malgré elles. Quand elles furent devenues plus familières, elles parlèrent franchement à la princesse, et lui dirent que, si elles ne savoient rien que ce qu’elles en voyoient, elles l’admireroient comme une sainte ; mais que d’ailleurs elles apprenoient qu’elle menoit une étrange vie, et si publique, qu’elles ne comprenoient pas ce qu’elle venoit faire dans leur couvent. Mme la duchesse de Berry riait et ne s’en fâchoit point ; Quelquefois elles la chapitroient, lui nommoient les gens et les choses par leurs noms, l’exhortoient à changer une vie si scandaleuse, et, avec esprit et tour, poussoient ou enrayoient à propos, mais jamais sans lui avoir parlé ferme. Elles le contoient après à celles de ses dames qui étoient les plus propres à goûter leurs peines sur l’état de Mme la duchesse de Berry, qui ne cessa de vivre comme elle faisoit à Luxembourg et aux Carmélites, et de laisser admirer un contraste aussi surprenant, et qui du côté de la débauche augmenta