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Villeroy et la duchesse de Ventadour, grand-père et grand’mère de ce mariage. L’affaire publique et les compliments reçus, les Rohan crurent que rien ne la pourroit rompre. Alors ils proposèrent qu’en cas que les mâles, issus du prince de Rohan ou de son fils, vinssent à manquer, cette fille aînée reçût quelque légère augmentation de dot, mais que tous les biens de cette branche passassent à celle de Guéméné, et déclarèrent qu’ils les avoient substitués de la sorte. Ce n’étoit pas que le maréchal de Villeroy se souciât de biens, ni qu’il espérât que cette fille vît mourir tous les mâles de sa branche, mais il ne voulut pas être la dupe des Rohan, moins encore leur valet, et faire un mariage avec une condition qui lui sembla honteuse, et qui ne lui fut déclarée qu’après que tout eut été convenu. Il rompit donc avec le plus grand éclat. Mais le vieil amour du maréchal de Villeroy et de la duchesse de Ventadour ne put souffrir un long divorce. Il remit même peu à peu quelque sorte de bienséance entre les Rohan et les Villeroy, qui en firent même les avances pour plaire à Mme de Ventadour. Mais ils ne le pardonnèrent jamais au maréchal de Villeroy, et furent les sourds mais principaux instigateurs de sa catastrophe. Mais ils s’en cachèrent tant qu’ils purent, à cause de Mme de Ventadour qu’ils avoient un si grand intérêt de ménager et de gouverner, comme ils ont fait toute sa vie, et dont le cœur étoit depuis tant d’années si inséparablement attaché au maréchal de Villeroy. Il eut bientôt lieu d’être dépiqué par la figure, le bien et la naissance, en quoi il ne perdit rien aux Rohan. Six semaines après, il maria son petit-fils à la fille aînée du duc de Luxembourg.

Les Rohan, de leur côté, ne voulurent pas demeurer en reste. Ils tonnelèrent aisément le duc de Mazarin, qui consentit à leur substitution, et le mariage se fit du duc de La Meilleraye, son fils unique, qui n’avoit que quinze ans, un mois après celui du marquis de Villeroy avec Mlle de Luxembourg.