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étoient idolâtres. Ils avoient fort peu de bien ; ils voulurent le richement marier. Ils trouvèrent une beauté parfaite avec toutes les grâces possibles, plus admirable, à ce qu’on disoit, d’âme et d’esprit que de corps ; car elle parut et passa comme une fleur. L’affaire conclue, il en fallut parler à Mme la duchesse d’Orléans par respect, étant a elle, mais sans avoir de grâce à lui demander. Cette princesse qui, comme Minerve, n’avoit point de mère, et ne reconnoissoit de parents que ceux de Jupiter, n’avoit jamais laissé apercevoir aux Castries la moindre idée de parenté, quelque amitié, quelque familiarité, quelque confiance qu’elle eût en eux, et eux de leur côté auroient commis un crime irrémissible à son égard, s’il leur en étoit échappé la moindre apparence. À la mention de ce mariage, elle se douta pour la première fois qu’il pouvoit être que Mme de Castries fût sa cousine germaine, et tout aussi [tôt] chausse le cothurne sur l’indigne alliance des Nolent. Ce n’étoit pas qu’elle eût un autre parti à leur proposer, moins encore à leur fournir de quoi prétendre à mieux ; mais de ce mariage, elle n’en voulut pas entendre parler, le traita d’offense pour elle, et fit tant de bruit qu’il en demeura tout court ; il fallut attendre, et cela dura six mois. Cependant ce mariage n’en fut point rompu, parce qu’il étoit réciproquement désiré. À la fin le duc du Maine et le comte de Toulouse obtinrent la levée de l’interdit, et le mariage s’acheva. Mais depuis ce moment, tout fut si dédaigneux de la part de Mme la duchesse d’Orléans que la jeune femme n’osoit presque s’y présenter, et que M. et Mme de Castries étoient eux-mêmes fort empêchés de leurs personnes. Les pauvres jeunes gens ne durèrent guère. Ce ne fut que par leur mort, qui arriva à quatre jours l’un de l’autre, que Mme la duchesse d’Orléans se rapprocha de M. et de Mme de Castries, qui en pensèrent mourir de douleur, et ne s’en consolèrent jamais.

Broglio cadet, et qui a fait depuis une si étrange fortune, épousa une très riche Malouine, qui s’est vue assise veuve,