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carrosse, et ses deux grands Maures avec tout leur appareil. Elle laissa gros à ses domestiques et en legs pieux ; rien à sa belle-fille, quoique pauvre, et qu’elle lui rendît beaucoup de devoirs ; six mille livres viagers à la sœur de Vertamont, veuve sans enfants du duc de Brissac, qui avoit été mon beau-frère en premières noces, et qui étoit son cousin germain, laquelle duchesse de Brissac n’avoit pas de pain, beaucoup d’esprit et de mérite, et la voyoit fort ; huit mille livres viagers et la jouissance d’une terre de dix mille livres de rente à la duchesse de Lesdiguières-Canaples, qui étoit Mortemart, qu’elle aimoit fort. Le maréchal de Villeroy et ses enfants héritèrent de plus de trois cent mille livres, outre sa belle maison, et une grande quantité de meubles magnifiques.

La mère du maréchal de Villeroy étoit sœur du duc de Lesdiguières, beau-père de cette fée ; et la mère de cette même fée et celle de la femme du maréchal de Villeroy étoient sœurs. La branche de Lesdiguières et la maison de Gondi étoient éteintes ; et le duc de Brissac, frère de la maréchale de Villeroy, n’avoit point eu d’enfants. Ainsi les Villeroy héritèrent des deux côtés de tout à la fois, parce que le duc de Lesdiguières, fils de la fée, lui avoit laissé tous ses biens par son testament. Qui eût prédit cette succession aux ducs, maréchal, cardinaux de Gondi et de Retz, au connétable de Lesdiguières et au maréchal de Créqui son gendre, qui avoient tous vu M. de Villeroy secrétaire d’État, et d’où il étoit sorti, ils se seroient étrangement indignés, le maréchal de Créqui surtout, qui eut tant de peine à consentir au mariage de sa fille, que le connétable son beau-père le força de faire avec M. de Villeroy, petit-fils du secrétaire d’État, parce qu’il avoit la survivance du gouvernement de Lyon, Lyonnois, etc., de M. d’Alincourt son père, et que le connétable, gouverneur de Dauphiné, commandant de Provence, et comme roi dans ces deux provinces, le voulut être encore dans le gouvernement de Lyon, Lyonnois, etc.