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pour de grosses sommes où son maître, du temps de son ministère, se trouvoit fort mêlé. Une créature du peuple, qu’on appeloit Mme La Fontaine, donna des avis contre lui, qui parurent si importants, qu’après l’examen du conseil des finances, on jugea à propos de renvoyer l’affaire au parlement. Le duc de Noailles, après ce qu’on a vu de Desmarets, qui, à son retour, disgracié d’Espagne, l’avoit réchauffé dans son sein, le seul homme en place qui l’eût reçu, et qui de plus lui avoit appris tout ce qu’il avoit voulu sur les finances, n’eut pas honte de se montrer publiquement le protecteur de Mme La Fontaine ; ce qui fit beaucoup soupçonner qu’il l’avoit instruite et suscitée. Les amis de Desmarets en crièrent beaucoup. Le maréchal de Villeroy et d’Effiat ne s’y épargnèrent pas, et protégèrent leur ami de toutes leurs forces. Ils ne purent toutefois empêcher qu’il n’essuyât des décrets et d’autres procédures fort désagréables. On en parla quelque temps diversement. Le souvenir de l’affaire des pièces de quatre sous rendit les accusations plausibles, et Desmarets y paya l’intérêt de ses insolences et de ses brutalités passées. Il s’en tira pourtant fort bien, et le duc de Noailles en eut toute la honte. Rien n’en passa au conseil de régence ; ainsi je profitai de pouvoir rester là-dessus dans un entier silence. Mais Desmarets n’étoit pas au bout.

À peine jouissoit-il de la satisfaction de s’être tiré nettement d’affaires, que le duc de Noailles, enragé d’y avoir succombe, persuada au régent que Desmarets, qui avoit été en place l’ami et le protecteur des principaux financiers, les tenoit tous encore dans sa main, et par ses manèges avec eux faisoit avorter tout le fruit de son travail dans les finances. Ainsi Desmarets, poursuivi sans relâche par ce reconnoissant ami, fut averti que son exil étoit résolu et lui alloit être annoncé.

Louville avoit épousé sa nièce, et m’avoit, comme on l’a vu, voulu raccommoder avec lui tout à la fin de la vie du