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rien moins, d’acheter de La Feuillade, qui avoit grand besoin d’argent, pour M. le duc de Chartres, fut habilement saisie, pour devenir une source de pluies de grâces et de bienfaits sur La Feuillade, [comme] on le verra bientôt. Elles indisposèrent étrangement le monde, parfaitement instruit de ce que La Feuillade méritoit du régent. Elles retirèrent aussi du nouveau favorisé tous ses amis, ennemis du gouvernement, avec qui il frondoit et moralisoit sans cesse, dont plusieurs étoient considérables à divers égards, et qui ne se crurent plus en sûreté sur rien avec un homme à transitions si entières et si subites. On verra dans la suite quelle fut la conduite et la parfaite ingratitude de La Feuillade, et la catastrophe des deux amis. Dès que la réconciliation fut faite, La Feuillade fut nommé ambassadeur à Rome.

Avec tout son esprit, son brillant, ses discours étalés, il ne savoit quoi que ce soit au monde, n’eut jamais ni gravité ni maintien, se vêtit et vécut toujours comme à dix-huit ans, et les propos souvent de même ; il n’avoit d’homogène avec les Italiens chez qui on l’envoyoit, au milieu du feu de la constitution, que la foi et les mœurs. Aussi ne songeât-il jamais sérieusement à y aller, mais à toucher gros pour ses équipages, dont il ne fit que lentement un seul carrosse, et à se faire payer ses appointements, comme s’il eût été à Rome. Ce manège dura plusieurs années, au bout desquelles il ne fut plus question d’ambassade, dont il se seroit sûrement aussi bien acquitté qu’il avoit fait du siège de Turin.

Le nouveau duc de Valentinois pressoit pour se faire recevoir au parlement, et les pairs, à cette occasion, pressoient aussi pour faire finir les usurpations dont ils se plaignoient. M. le Duc prétendit que le duc du Maine et le comte de Toulouse ne devoient plus traverser le parquet. Tout cela fit surseoir la réception du duc de Valentinois, et une nouvelle aigreur entre M. le Duc et le duc du Maine.

La Garde, commis confident de Desmarets, avoit été attaqué