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portée, et compta pour rien tout ce qui se diroit du sacrifice de sa petite-nièce qu’il se faisoit à lui-même.

Elle avoit la plus grande mine du monde, la plus belle et la plus grande taille ; une brune avec de la beauté ; peu d’esprit, mais un sens qui demeura étouffé pendant son mariage, quoiqu’il ne se puisse rien ajouter à la considération que Louvois eut toujours pour elle et pour tout ce qui lui appartenoit.

Au lieu de tomber à la mort de ce ministre, elle se releva, et sut s’attirer une véritable considération personnelle, qui de sa famille, où elle régna, passa à la cour et à la ville, où elle se renferma, et où elle sut tenir une grande maison, sans sortir des bornes de son état et de son veuvage. Elle y rassembla sa famille et ses amis, et passa sa vie dans les bonnes œuvres, sans enseigne et sans embarras. Il est immense ce qu’elle faisoit d’aumônes, et combien noblement et ordonnément elle les distribuoit. Elle alloit à la cour y coucher une nuit, une ou deux fois l’année, toujours accompagnée de toute sa famille. C’étoit une nouvelle que son arrivée. Elle alloit au souper du roi, qui lui faisoit toujours beaucoup d’accueil, et toute la cour à son exemple. Du reste, presque point de visites, pas même à Paris. Tout l’été à sa belle maison de Choisy avec bonne compagnie, mais décente et trayée, convenable à son âge. En un mot elle mena une vie si honorable, si convenable, si décente et si digne, dont elle ne s’est jamais démentie en rien, que sa mort, qui fut semblable à sa vie, fut le désespoir des pauvres, la douleur de sa famille et de ses amis, et le regret véritable du public. En elle finit la maison de Souvré.

La princesse de Wolfenbüttel, sœur de l’impératrice régnante, et femme du czarowitz qui a fait depuis une fin si tragique, mourut d’un coup de pied que son mari lui donna dans le ventre, étant grosse. La vanité d’un petit prince son grand-père, la sacrifia à des barbares que l’empereur se vouloit acquérir. Sa figure, son esprit, sa vertu méritoit un