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retraite si elle avoit le malheur de perdre le roi, comme il arriva en effet. La riche mense abbatiale [1] de Saint-Denis, qu’elle fit unir à Saint-Cyr, diminua d’autant la dépense d’une si grande fondation aux yeux du roi et du public, et l’objet en étoit en soi si utile qu’il ne reçut que de justes applaudissements.

Sa déclaration étoit toujours son plus ardent désir. L’opposition que Louvois y avoit si héroïquement mise sur le point d’éclater le perdit bientôt après, comme on l’a vu, et l’archevêque de Paris avec lui, qui s’y étoit associé. Elle n’éteignit pas pour cela toute son espérance. Elle s’étoit flattée d’en avoir jeté les fondements sans y avoir pu penser alors ; car ce fut du vivant de la reine que, pour se recrépir et passer l’éponge sur sa première vie, elle fit entendre au roi modestement sa noblesse, puis au mariage de Monseigneur l’importance d’environner la Dauphine de personnes sûres, et de lui donner à elle-même un titre auprès d’elle, qui lui donnât droit et moyen d’y veiller.

C’est ce qui, comme on l’a vu, y fit passer Mme de Richelieu dame d’honneur de la reine, moyennant la charge de chevalier d’honneur à son mari, pour l’exercer et la vendre après tant qu’il pourroit sans en avoir rien payé, qui étoient, comme on l’a vu, les anciens et intimes amis de Mme de Maintenon, laquelle fut faite seconde dame d’atours avec la maréchale de Rochefort. La distance étoit étrange entre les deux dames d’atours ; il n’en falloit qu’une ; le choix de la seconde indigna tout le monde. La première étoit de longue main accoutumée au servage des ministres et des maîtresses, et ne songea qu’à plaire à ce soleil levant dans son automne. Elle se flatta aussi de succéder à la duchesse de Richelieu, beaucoup plus âgée qu’elle et infirme ; elle y fut trompée, le roi voulut une duchesse. On a vu comment et pourquoi Mme de Maintenon y bombarda

  1. On appelait mense abbatiale la partie des revenus d’un monastère qui était spécialement affectée aux dépenses de l’abbé.