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intendant à Toulon. Ce dernier fut fort blessé. C’étoient deux hommes faits tout exprès, par leur conduite et leur petit état, pour servir d’exemple de toute la sévérité des duels. Le régent parut d’abord le vouloir ; sa facilité se laissa bientôt vaincre. Ils perdirent leurs emplois, et leurs emplois n’y perdirent rien. Ce mauvais exemple réveilla les duels, qui étoient comme éteints. L’étrange est que M. le duc d’Orléans n’en fut pas trop fâché.

Néanmoins, M. de Richelieu et le comte de Bavière ayant peu de jours après pris querelle ensemble, à Chantilly, et leurs mesures pour se battre au bois de Boulogne le jour d’une grande chasse que M. le Duc devoit y donner aux dames, le régent les envoya chercher tous deux, leur lava la tête, prit leurs paroles, et leur déclara que, s’ils y manquoient, il ne les manqueroit pas. La chose finit ainsi.

Charost me pria de demander au régent pour M. d’Ancenis, son fils, la survivance de son gouvernement de Calais et de sa lieutenance générale unique de Picardie. Je lui dis qu’il l’auroit toujours aisément, après celle de sa charge de capitaine des gardes, et pourquoi il ne l’auroit pas aussi bien que le maréchal d’Harcourt. Je l’obtins le lendemain.

Le chevalier de Bouillon, qui depuis la mort du fils du comte d’Auvergne avoit pris le nom de prince d’Auvergne, proposa au régent qu’il y eût trois fois la semaine un bal public dans la salle de l’Opéra, pour y entrer en payant, masqué et non masqué, et où les loges donneroient la commodité de voir le bal à qui ne voudroit pas entrer dans la salle. On crut qu’un bal public, gardé comme l’est l’Opéra aux jours qu’on le représente, seroit sûr contre les aventures, et tariroit ces petits bals borgnes épars dans Paris où il en arrivoit si souvent. Ceux de l’Opéra furent donc établis avec un grand concours et tout l’effet qu’on s’en étoit proposé. Le donneur d’avis eut dessus six mille livres de pension,