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qui furent au moment de réussir ; et voici ce qui arriva :

Le Prétendant partit déguisé de Bar, accompagné de trois ou quatre personnes seulement, vint à Chaillot où M. de Lauzun avoit une ancienne petite maison où il n’alloit jamais, et qu’il avoit gardée par fantaisie, quoiqu’il eût celle de Passy dont il faisoit beaucoup d’usage. Ce fut où le Prétendant coucha, et où il vit la reine sa mère qui étoit souvent et longtemps aux Filles de Sainte-Marie de Chaillot ; et de là partit pour aller s’embarquer en Bretagne par la route d’Alençon, dans une chaise de poste de Torcy.

Stairs découvrit cette marche, et résolut de ne rien oublier pour délivrer son parti de ce reste unique des Stuarts. Il dépêcha sourdement des gens sur différentes routes, surtout sur celle de Paris à Alençon. Il chargea particulièrement de celle-là le colonel Douglas, réformé dans les Irlandois à la solde de France, qui, à l’abri de son nom, et par son esprit, son entregent et son intrigue s’étoit insinué à Paris en beaucoup d’endroits depuis la régence, s’étoit mis sur un pied de considération et de familiarité auprès du régent, et venoit assez souvent chez moi. Il étoit de bonne compagnie, marié sur la frontière de Metz, fort pauvre, avoit de la politesse et beaucoup de monde, la réputation de valeur distinguée, et quoi que ce soit qui pût le faire soupçonner d’être capable d’un crime.

Douglas se mit dans une chaise de poste, s’accompagna de deux hommes à cheval, tous trois fort armés, et courut la poste lentement sur cette route. Nonancourt est une espèce de petite villette sur ce chemin, à dix-neuf lieues de Paris, entre Dreux, trois lieues plus loin, et Verneuil au Perche, quatre lieues au delà ; ce fut à Nonancourt où il mit pied à terre, y mangea un morceau à la poste, s’informa avec un extrême soin d’une chaise de poste qu’il dépeignit et comme elle devoit être accompagnée, témoigna craindre qu’elle ne fût déjà passée et qu’on ne lui dît pas vrai. Après