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depuis la mort de Louis XIV. Elle voulut au dehors satisfaire le roi Georges par toutes sortes d’extérieur à cet égard, sans néanmoins rompre avec le malheureux prince dans l’incertitude des événements, et l’Angleterre montra aussi plus de ménagement pour l’Espagne.

L’abbé Albéroni commençoit à gouverner cette monarchie. Il suivoit, pour y parvenir, en plein les traces de la princesse des Ursins. Comme elle, il se servit de son crédit sur la reine, et de son ambition, pour lui persuader de suivre les traces de Mme des Ursins, pour posséder le roi, qui fut de l’enfermer, de l’obséder jour et nuit sans aucun moment d’intervalle, d’empêcher personne d’en approcher, même son service le plus indispensable, de l’accoutumer à ne travailler avec aucun ministre qu’en sa présence, et de le dominer et le tenir de façon que rien ne pût passer à lui, ni de lui à personne, qu’en sa présence et de son aveu. Ce fut aussi ce qu’elle exécuta à la lettre ; et par cette adresse Albéroni les enferma tous deux, et les gouverna seul sans les laisser approcher de personne ; ce qui se verra ailleurs avec plus de détail.

Albéroni se tint donc en grande mesure avec l’Angleterre, mais surtout avec la Hollande dont l’union lui parut encore plus avantageuse. Il senti bientôt le poids de l’influence de l’empereur sur un prince d’Allemagne, qui, régnant en Angleterre, faisoit intérieurement son capital de ses premiers états, et qui avoit besoin du chef de l’empire pour se conserver l’usurpation qu’il avoit faite sur la Suède, dans le temps de ses derniers désastres, des duchés de Brême et de Verden. Albéroni s’étoit encore mis dans la tête de chasser tous les étrangers des Indes occidentales, surtout les François, projet bien chimérique auquel il se flatta de réussir par l’intérêt et le secours des Hollandois, mais dont l’intérêt étoit plus que balancé par la crainte de rupture des nations qu’on en voudroit chasser, et surtout avec l’Angleterre, dont il ne leur étoit plus possible de se séparer.