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Les évêques lui écrivoient des panégyriques ; les jésuites en faisoient retentir les chaires et les missions. Toute la France étoit remplie d’horreur et de confusion, et jamais tant de triomphes et de joie, jamais tant de profusion de louanges. Le monarque ne doutoit pas de la sincérité de cette foule de conversions ; les convertisseurs avoient grand soin de l’en persuader et de le béatifier par avance. Il avaloit ce poison à longs traits. Il ne s’étoit jamais cru si grand devant les hommes, ni si avancé devant Dieu dans la réparation de ses péchés et du scandale de sa vie. Il n’entendoit que des éloges, tandis que les bons et vrais catholiques et les saints évêques gémissoient de tout leur cœur de voir des orthodoxes imiter, contre les erreurs et les hérétiques, ce que les tyrans hérétiques et païens avoient fait contre la vérité, contre les confesseurs et contre les martyrs. Ils ne se pouvoient surtout consoler de cette immensité de parjures et de sacrilèges. Ils pleuroient amèrement l’odieux durable et irrémédiable que de détestables moyens répandoient sur la véritable religion, tandis que nos voisins exultoient de nous voir ainsi nous affaiblir et nous détruire nous-mêmes, profitoient de notre folie, et bâtissoient des desseins sur la haine que nous nous attirions de toutes les puissances protestantes.

Mais à ces parlantes vérités le roi étoit inaccessible. La conduite même de Rome à son égard ne put lui ouvrir les yeux ; de cette cour qui n’avoit pas eu honte autrefois d’exalter la Saint-Barthélemy, jusqu’à en faire des processions publiques pour en remercier Dieu, et jusqu’à avoir employé les plus grands maîtres à peindre dans le Vatican cette action exécrable.

Odescalchi occupoit le pontificat, sous le nom d’Innocent XI. C’étoit un bon évêque, mais un prince très incapable, entièrement autrichien, et ses ministres de même génie. La grande affaire de la régale l’avoit brouillé avec le roi dès l’entrée de son pontificat. Les quatre propositions