Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/287

Cette page n’a pas encore été corrigée

autre il alloit faire le philosophe solitaire, et n’y manquoit pas M. le duc d’Orléans, quand rarement il s’y alloit promener. Il avoit du manège, de l’entregent, de la hardiesse, de l’audace même quand il s’y laissoit aller, du débit surtout, et devint peu à peu l’homme de l’abbé Dubois à tout faire. Il s’appeloit Rémond, et frappoit à tout ce qu’il pouvoit de portes. Stairs l’écuma, et lui courtisa Stairs, de la connoissance, puis de la société de qui il s’honora beaucoup avec raison, et peu à peu se livra entièrement à lui.

Rien ne convenoit davantage à l’abbé Dubois qui, déjà éloigné par M. le duc d’Orléans pour avoir voulu trop se mêler, ne savoit par où se reprendre, et qui regarda sa liaison avec Stairs, et par lui avec l’Angleterre, comme une ressource dont il se promit de grands avantages. Rémond lia donc bien aisément ces deux hommes dont l’intérêt de chacun le demandoit également Dubois l’étoit, comme on l’a vu, déjà avec Canillac et le duc de Noailles. Il l’étoit aussi avec Nocé. Il leur persuada qu’il n’y avoit de salut pour M. le duc d’Orléans que par l’Angleterre contre tout ce qui s’opposeroit à l’autorité que sa naissance lui donnoit de droit après le roi, et pour l’appuyer ensuite.

Il avoit fait des promenades en Angleterre où il avoit fait des connoissances, et fort cultivé celle de Stanhope qu’il avoit beaucoup vu autrefois à Paris, et avec qui il avoit ménagé quelque commerce d’ancienne connoissance pendant qu’ils étoient en Espagne, l’un à la tête des troupes anglaises, l’autre à la suite de M. le duc d’Orléans, qui avoit été souvent avec lui en débauche autrefois à Paris. Dubois compta qu’en tournant ce prince du côté de l’Angleterre, il deviendroit nécessairement l’entremetteur, et de là le négociateur, dont il se promit toutes choses. Malheureusement il ne se trompa pas.

Rémond s’étoit fourré avec Canillac qu’il avoit gagné par la conformité de goût, et par des admirations de son esprit et de ses lumières, dont il se moquoit ailleurs, mais qui l’avoient