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son mari de parler pour lui, et de n’avoir parlé que pour mon beau-frère ; mais que le monde étoit si méchant, et son mari si outré, qu’elle me conjuroit, autant pour moi-même que pour lui, de faire encore un effort.

Je lui répondis que je ne craignois point ces soupçons ; que si j’avois voulu la charge pour moi ou pour le duc de Lorges, rien ne m’empêchoit de le dire franchement au comte de Roucy, quand il vint me prier de parler pour lui, et de m’en excuser, puis d’aller mon chemin à découvert, à quoi personne ni lui-même n’auroit pu trouver quoi que ce soit à reprendre ; qu’aussi j’avois été pour lui rondement et nettement ; qu’à la vérité, me voyant éconduit pour lui à deux diverses reprises, et telles qu’il n’y avoit plus nul moyen d’y revenir une troisième, la pensée m’étoit venue de proposer le duc de Lorges, sans aucune qu’il en pût naître aucun soupçon ; mais que, pour couper court, je voulois bien faire encore un effort, et de toutes mes forces, puisque je l’avois bien fait d’abord, mais à deux conditions, la première que ce seroit en présence du comte de Roucy qui seroit témoin lui-même de tout ce qui se diroit et se passeroit, lui en tiers entre le régent et moi ; la seconde, que, puisque le monde s’avisoit de soupçons, je monterois actuellement dans son carrosse avec elle, et, sans la quitter, j’irais prendre le comte de Roucy où qu’il fût, et, en sa présence à elle, le mener sur-le-champ au Palais-Royal, où je lui répondois que, quoi que pût faire M. le duc d’Orléans, nous le verrions sans remise ; que je n’entrerois qu’avec le comte de Roucy, et ne parlerois que devant lui. J’ajoutai que cela étoit net et prompt, et court, exclusif de tout moyen d’écrire, ou de faire parler à M. le duc d’Orléans, puisque je ne les quitterois pas un instant l’un ou l’autre, ni ne parlerois bas à personne dans l’entre-deux, ni à M. le duc d’Orléans en présence du comte de Roucy que je ne quitterois pas un instant, et qu’en tiers avec le régent et moi il seroit témoin et juge si j’y allois bon jeu bon argent,