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de la charge, qui rehaussa autant la considération du chancelier de Pontchartrain qu’elle accabla son fils par son ignominie purement personnelle et si parfaitement et universellement applaudie. Nous nous en félicitâmes les uns les autres au conseil de régence. Le maréchal d’Estrées parut ravi, et M. le comte de Toulouse, à qui je ne pus refuser de conter comment cela s’étoit passé.

Depuis ce moment Pontchartrain demeura obscur au fond de sa maison, abandonné de plus en plus. Il y vit encore dans la solitude et le plus parfoit néant, toujours enragé de jalousie et de dépit contre son fils qui lui rend des devoirs et rien de plus. Cet ex-bacha si rude et si superbe occupe son néant à compter son argent et en semblables misères, et n’a presque plus paru nulle part depuis, qui est ce qu’il a fait de mieux.

J’avois toujours eu dans le cœur et dans l’esprit de sauver la charge à son fils en le perdant. J’aimois et je devois au père, j’avois aussi eu lieu d’aimer fort la chancelière ; Mme de Saint-Simon avoit passé sa vie comme moi avec eux dans la plus grande intimité et réciproque confiance. La mémoire de Mme de Pontchartrain m’étoit présente, et aussi vive et aussi tendre dans le cœur de Mme de Saint-Simon qu’au jour qu’elle l’avoit perdue. Je n’avois donc cessé de ruminer en moi-même les moyens de sauver Maurepas de la chute de son père, et je le voulois sauver par adresse, ou par effort de crédit, à quelque prix que ce fût. J’allai donc chez M. le duc d’Orléans dans cet esprit, dont la considération pour le père me fournit heureusement l’expédient que je saisis. La Vrillière, qui n’abhorroit guère moins son cousin que moi, fut ravi d’en être défait, et eut encore la joie pour son nom et pour la personne du chancelier, auquel il étoit fort attaché, de voir la charge sauvée, et de l’avoir entre ses mains avec le jeune titulaire pour disciple avec ce surcroît de chose et de considération qu’il sentit bien et me dit qu’il me devoit tout entière.