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entre les mains d’un parent de même nom, très attaché au père, et qui, étant lui-même secrétaire d’État, ne pouvoit être tenté d’embler cette charge. Le régent ouvrit les yeux et les oreilles bien larges à cet expédient, et l’approuva. Je lui dis que, puisqu’il le goûtoit, rien n’empêchoit de l’exécuter dès le lendemain. Il y consentit encore, mais il voulut que je fisse sa lettre au père, et que je la lui apportasse dans l’après-dînée même de ce dimanche au Palais-Royal. Je n’eus garde de faire le difficile. Je voulois serrer la mesure et le secret, je me souvenois de ce qui avoit déjà sauvé Pontchartrain une fois, au moment que je le comptois perdu ; son père étoit à Paris, et je craignois que quelqu’un n’eût le vent de ceci, et le temps de rompre mes mesures.

Nous nous en allâmes tous dîner à Paris au sortir du conseil ; je fis la lettre de M. le duc d’Orléans au chancelier, tendre, honnête, pleine d’estime et de considération. J’y en fis valoir la marque sans exemple de laisser la charge dans sa famille, non en survivance, mais en titre, à un homme de quinze ans, avec la précaution que je viens d’expliquer sur La Vrillière, qui le formeroit et lui apprendroit le métier, et je finissois par lui dire bien ferme que devant être content pour sa personne et pour sa famille, et le parti en étant fermement pris, Son Altesse Royale vouloit que, dans la matinée du lendemain lundi, son fils donnât sa démission pure et simple, chez son père à l’Institution ; que l’abbé de Thesut s’y trouveroit pour la lui apporter avant midi, et La Vrillière pour que tout s’y fit en règle, et pour expédier les provisions de la charge au jeune Maurepas dans l’après-dînée du même jour, et le mener remercier le roi ; surtout que ne voulant point être fatigué de prières inutiles, il lui défendoit de le venir trouver, de lui écrire, et de lui faire parler par qui que ce fût, avant que tout fût consommé : démission, provisions, etc. Je portai ce projet de lettre tout fait au Palais-Royal tout de suite. M. le duc d’Orléans n’y changea rien ; je dictai la lettre, il l’écrivit de sa main, la