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à mon égard. Ils embabouinèrent le pauvre duc de Sully, connu auparavant sous le nom de chevalier de Sully, qui sien repentit bien après qu’il n’en fut plus temps, ainsi que le duc de Richelieu, qui ne faisoit que poindre, et que le bel air avoit fait disciple très soumis de La Feuillade. Noailles et Aumont s’amalgamèrent à eux dès qu’ils y purent être reçus, et M. de Luxembourg se laissa entraîner à MM. de La Rochefoucauld et de Villeroy, ses amis intimes de tous les temps, depuis leur liaison commune avec feu M. le prince de Conti. Noailles, qui les vouloit gouverner, n’osa l’entreprendre à découvert : il crut le faire plus aisément sous un autre nom, au poids duquel ces messieurs-là fussent accoutumés. Il leur insinua de gagner le maréchal d’Harcourt, qui n’avoit plus ni tête ni presque de parole. La Rochefoucauld avoit toujours été lié avec lui et le duc de Villeroy, et Noailles l’avoit été à cause de Mme de Maintenon. Un tel mentor, qui n’en avoit plus que l’ombre, fut merveilleusement propre au duc de Noailles, qui, dès qu’ils l’eurent gagné, devint le prêtre qui faisoit parler l’oracle.

Ce ne fut que pour contrecarrer tous les bons et sages partis que vouloient prendre ceux qu’ils n’avoient pu débaucher, et qui étoient : le cardinal de Mailly, archevêque de Reims ; Clermont-Chatte, évêque de Laon, qui avoit pouvoir de faire pour son cousin de Tonnerre, évêque de Langres ; Rochebonne, évêque de Noyon, et de loin Noailles, évêque de Châlons, qui suivoit son frère le cardinal de Noailles, qui, malgré son accablement des affaires de la constitution, et le besoin et les liaisons qu’elles lui donnoient avec le parlement, fut un des plus fidèles et des plus généreux de notre nombre. Les ducs de La Force, de Tresmes, de Charost, le maréchal de Villars, et les ducs d’Antin et de Chaulnes, aucun de ceux-là ne se démentit, aucun ne faiblit, tous agirent et firent merveilles. C’étoit avec eux que j’étois uni.

Je laisse le reste des ducs qui ne parurent presque plus