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le plus léger fondement. À la place de choses, c’étoient des inventions de minuties, qui auroient fait rire dans un autre temps, et qui toutefois n’avoient ni réalité ni apparence. On le leur démontroit, ils ne pouvoient combattre l’évidence, cela même les irritoit davantage.

Leur grande clameur étoit que les ducs ne vouloient pas être de l’ordre de la noblesse. On leur demandoit s’il y avoit en France plus de trois ordres, si les ducs se prétendoient de celui du clergé ou de celui du tiers état, ou enfin s’ils ne vouloient être d’aucun des trois, et s’exclure ainsi d’être François et du corps de l’État. Cette réponse, à laquelle il n’y en avoit point, les mettoit en fougue, et la fin étoit qu’eux ne vouloient pas que les ducs fussent de l’ordre de la noblesse. On leur demandoit duquel donc ils les vouloient mettre ; on leur disoit encore que puisqu’ils ne vouloient point les ducs dans l’ordre de la noblesse, ils ne devoient donc pas leur imputer de n’en vouloir pas être, et en crier si haut. La fureur et le déraisonnement le plus inepte étoit leur réplique, et cette ivresse étoit telle qu’à qui n’en a pas été témoin, elle est entièrement incroyable.

Enfin après avoir bien battu l’air, il fallut les amuser, de peur de les laisser se dissiper d’eux-mêmes. Les moteurs de ce fanatisme profitèrent du premier objet par lequel ils avoient su les remuer et les rassembler : et de cette calomnie du duc de Noailles sur la salutation du roi, les conduisirent à attaquer les distinctions des ducs et des duchesses, sans jamais parler de celles des princes étrangers, qui, étant données par naissance, sont véritablement injurieuses à la noblesse, au lieu que celles des ducs étant par dignité, tout noble peut espérer d’y parvenir, comme ont fait ceux qui en sont revêtus. Cet hameçon grossier fut saisi avec tout l’emportement que les promoteurs en pussent désirer.

Le duc du Maine qui, par la perfidie si noirement pourpensée du bonnet, s’étoit délivré de la crainte de l’union des ducs et du parlement contre tout ce qu’il avoit arraché du