Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/241

Cette page n’a pas encore été corrigée

à être le jouet du duc et de la duchesse du Maine, et la honte de la véritable noblesse par la folie égale de leurs calomnies, de leurs prétentions, et de leur abandon à celles des gens du parlement, avec qui l’intérêt de leurs moteurs les avoit amalgamés, à leur ruine, et à la dérision et la compassion de tout ce qui n’avoit pas pris les folles impressions que souffloit tout l’art pernicieux du duc et de la duchesse du Maine.

On vit la haute noblesse s’émouvoir et se rassembler en 1649, et demander et obtenir l’adjonction des ducs contre les nouveaux rangs accordés à MM. de Bouillon et de Rohan, comme injurieux à la noblesse et nuisibles à l’État [1]. On lui vit obtenir ce qu’elle demandoit, qui fut rendu après l’orage à qui il avoit été ôté. Enfin on vit cette assemblée vouloir se mêler des affaires, et embarrasser la cour, qui fut obligée de chercher les moyens de la séparer, et de l’empêcher après de ses rassembler. Au moins avoit-elle raison dans son premier objet, puisque rien n’est en effet si injurieux à des maisons illustres et anciennes que d’en voir d’autres qui ne sont pas meilleures, ou qui sont même inférieures, distinguées d’elles par un rang et une supériorité si marquée, accordés au seul titre de naissance ; et puisqu’il n’est rien de si pernicieux à un État, ni d’un si corrupteur exemple, que d’accorder des grâces si nouvelles, si inouïes, si étendues et si éclatantes pour prix d’une suite continuelle de menées (comme aux Rohan), de complots, de révoltes ouvertes, de pratiques dedans et dehors de royaume, de trahisons, de prises d’armes contre le roi, d’un cercle sans fin d’abolition et de la haute noblesse flétri par un tas de safraniers [2], mais reçus par les nobles pour faire nombre, et prendre un objet tout opposé à celui de 1649.

  1. Voy. t. V, p. 438.
  2. Vieux mot qui s’employait familièrement pour désigner des gens misérables et ruinés.